Mardi 22 janvier, le tribunal administratif de Grenoble examinera la situation de Madame B. empêchée de voir son compagnon incarcéré au centre pénitentiaire d’Aiton (Savoie). Confrontée au refus du chef d’établissement de lui octroyer un permis de visite, Madame B. avait déjà saisi la justice en décembre dernier, qui avait considéré que cette décision était infondée. Sommé de réexaminer sa demande, le directeur a cependant renouvelé son refus de permis.
Le compagnon de Madame B. est incarcéré depuis le mois de septembre 2017, et libérable en mai 2019. Mais elle n’a jamais pu lui rendre visite en détention : toutes ses demandes de permis de visite lui ont été refusées, le plus souvent par téléphone, en ne respectant pas la procédure contradictoire prévue par les textes. Saisi d’une requête en référé, le tribunal administratif a considéré en décembre dernier que « la décision refusant un droit de visite à Madame B. (…) porte à la situation de la requérante et à celle de son compagnon détenu des conséquences (…) graves et immédiates » et a demandé au directeur du centre pénitentiaire d’Aiton de réexaminer sa demande de permis de visite dans un délai de sept jours[1]. Ce qu’il a fait, pour finalement opposer un nouveau refus à Madame B.
Cette nouvelle décision, aussi peu étayée que la première, se fonde sur le casier judiciaire de Madame B., condamnée à deux reprises en 2014 et 2016. Pourtant, une note de la direction de l’administration pénitentiaire spécifie qu’une « condamnation antérieure n’est pas, à elle seule, une cause rédhibitoire pour l’octroi d’un permis de visite »[2]. Seuls des motifs « liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions »[3] peuvent justifier les refus de permis à la famille proche d’un détenu. Une circulaire de février 2012[4] précise le sens de cet article de loi et donne les exemples d’un visiteur ayant « un comportement inadapté » ou ayant déjà tenté d’ « introduire irrégulièrement certains objets dans l’établissement ». Or, Madame B. n’ayant jamais bénéficié d’un permis de visite pour aller voir son compagnon à la prison d’Aiton, ce fondement ne pouvait lui être appliqué.
Le mardi 22 janvier, le tribunal administratif de Grenoble se penchera donc une nouvelle fois sur le cas de Madame B. Elle demande cette-fois-ci au tribunal d’être plus précis et d’enjoindre au directeur de lui accorder un permis de visite.
Cette histoire en rappelle une autre : en 2016, le directeur de la prison de Saint-Quentin-Fallavier[5] avait, lui aussi, joué sur les mots d’une décision de justice et répondu à l’injonction de prendre une nouvelle décision en renouvelant un refus. Il s’était finalement ravisé devant la menace d’un nouveau recours. De manière générale, nombreuses sont les affaires qui sont rapportées à l’OIP dans lesquelles les chefs d’établissement abusent du pouvoir qui leur est octroyé en interprétant de manière extensive les textes de loi voire en prenant des décisions sans fondement légal[6]. Le droit à la vie privée est pourtant consacré par la Convention européenne des droits de l’homme et le maintien des liens avec l’extérieur considéré par les règles pénitentiaires européennes comme « indispensables pour lutter contre les effets néfastes de l’emprisonnement ». L’Observatoire international des prisons appelle donc la direction de l’administration pénitentiaire à tout mettre en œuvre pour que ces refus arbitraires de permis de visite ne soient plus opposés par les chefs d’établissement aux membres de la famille de personnes détenues.
Contact presse : Amid Khallouf – 09 50 92 00 34 – 06 50 73 29 04
Mise à jour du 24 janvier 2019 : dans sa décision du 23 janvier 2019 (n°1900162), le tribunal administratif de Grenoble enjoint au directeur du centre pénitentiaire d’Aiton de délivrer dans un délai de sept jours un permis de visite provisoire à Mme B. pour rencontrer son compagnon.
[1] Tribunal administratif de Grenoble, 19 décembre 2018, n°1807561.
[2] Note DAP du 4 décembre 1998.
[3] Article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.
[4] Circulaire du 20 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues (JUSK1140029C).
[5] Prison de Saint-Quentin-Fallavier : ignorant une décision de justice, le directeur renouvelle un refus de permis de visite à la compagne d’un détenu, Communiqué de presse de l’OIP, 30 août 2016.
[6] Lire notamment « Petites et grandes entorses au droit de visite », Dedans Dehors n°102, décembre 2018.