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Centre de détention de Bapaume : le tribunal administratif de Lille annule une note instituant des fouilles à nu systématiques

Après les tribunaux administratifs de Strasbourg, Marseille, Lyon, Poitiers, Rennes ou encore Nancy, c'est au tour du tribunal administratif de Lille de censurer une décision de l'administration pénitentiaire instituant des fouilles à nu systématiques. Le 19 février 2013, le tribunal de Lille a annulé une note édictée le 23 mai 2011 par le directeur du centre de détention de Bapaume (Pas-de-Calais). Cette note a été considérée comme illégale en ce qu'elle ne respecte pas les dispositions de la loi du 24 novembre 2009 qui a fait de la fouille à nu une mesure exceptionnelle dont l'usage doit être strictement justifié au regard de la personnalité et du comportement des détenus.

En mai 2011, plusieurs détenus du centre de détention Bapaume ont alerté l’OIP de l’inapplication de la loi pénitentiaire en matière de fouilles à nu. En effet, tandis que l’article 57 de la loi exige qu’une fouille à nu soit justifiée « par la présomption d’une infraction » ou « par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes », une note prise par le directeur du centre de détention décidait que « toute personne détenue ayant eu accès [à certains secteurs de la détention, notamment les parloirs], fer[ait] l’objet d’une mesure de fouille individuelle intégrale ».

Plusieurs détenus ont réclamé auprès des surveillants et de la direction la stricte application des textes. Certaines d’entre elles, lors des fouilles au parloir, ont revendiqué, en caleçon, texte de loi à la main, le droit de ne pas montrer leurs organes génitaux. Elles ont été menacées de sanctions disciplinaires, la note avertissant que « tout refus de se soumettre à une mesure de fouille constitue une faute disciplinaire ».

Le 23 juillet 2011, trois détenus accompagnés de leur avocat et de l’OIP avaient alors déposé un recours pour excès de pouvoir et demandé en parallèle au juge administratif de se prononcer en urgence en introduisant un référé-suspension. Mais quelques jours avant l’audience, le 5 août 2011, l’administration pénitentiaire avait abrogé la note litigieuse, empêchant ainsi le juge des référés de se prononcer rapidement, l’urgence ayant disparu. Par un jugement au fond en date du 19 février 2013, le tribunal de Lille vient de donner raison aux trois détenus et à l’OIP en prononçant l’annulation de la note du 23 mai 2011.

Pour justifier l’existence de cette note, l’administration pénitentiaire avait mis en avant « des incidents relevés » sur les secteurs mentionnés. Les juges ont considéré illégal, « en admettant même établie la circonstance que le nombre d’incidents relevés dans ces secteurs eût été significatif », le système mis en place par la note, « eu égard au caractère systématique et intégral de la fouille corporelle qu’il institue » et au fait qu’il ne prévoit pas, d’une part, « la possibilité de moduler l’application à un détenu du régime de fouille intégrale qu’il définit en tenant compte de sa personnalité et de son comportement en détention », d’autre part, « la possibilité de recourir à d’autres méthodes de détection que la fouille intégrale ».

Le tribunal réaffirme ainsi que « les mesures de fouilles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l’un des motifs [prévus par la loi] » et que « les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l’utilisation de moyens de détection électronique ».

L’OIP sera vigilant quant à une possible poursuite des fouilles corporelles intégrales systématiques dans cet établissement, à l’instar de la situation qui prévaut actuellement dans plusieurs établissements pénitentiaires sanctionnés par les juridictions administratives.

L’OIP rappelle :

– L’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

– L’article 57 de la Loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 qui dispose désormais que : « Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes. »

– L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme EL SHENNAWY c/ FRANCE du 20 janvier 2011 : « des fouilles intégrales systématiques non justifiées et non dictées par des impératifs de sécurité, peuvent créer chez le détenu le sentiment d’être victime de mesures arbitraires. Le sentiment d’arbitraire, celui d’infériorité et l’angoisse qui y sont souvent associées et celui d’une profonde atteinte à la dignité que provoque l’obligation de se déshabiller devant autrui […], peuvent caractériser un degré d’humiliation dépassant celui, tolérable parce qu’inéluctable, que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus. »