Victime d'une crise cardiaque dans la nuit du 14 au 15 juillet 2010, une personne détenue au centre de détention de Muret (31) demande réparation après avoir subi des atteintes au respect de sa dignité et au secret médical lors de sa prise en charge. N.M. s'est en effet vu contraindre au port de menottes et d'entraves durant son extraction médicale vers le service des soins intensifs de cardiologie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Toulouse. Les entraves ont été maintenues durant l'ensemble des soins médicaux et chirurgicaux qui lui ont été dispensés, en dépit de l'opposition du personnel soignant. Et ces soins se sont déroulés sous le regard direct et permanent des personnels de l'escorte pénitentiaire, au mépris du respect du secret médical et de la confidentialité des soins.
Âgé de 38 ans et incarcéré depuis juin 2010 au centre de détention de Muret, N.M. a déposé ce jeudi 14 octobre une demande préalable en indemnisation auprès du ministère de la Justice.
Le 15 juillet dernier, victime d’un infarctus du myocarde dans sa cellule du centre de détention de Muret, il a été extrait de la prison menotté aux barrières du brancard et entravé aux pieds, alors même qu’il était perfusé aux deux bras et placé sous surveillance cardiaque permanente par monitoring. Hospitalisé dans le service des soins intensifs de cardiologie du CHU de Toulouse, N.M. a ensuite subi en urgence un geste interventionnel cardiologique sous le regard permanent et direct des membres de l’escorte pénitentiaire présents dans la salle du bloc opératoire. Il a par ailleurs « subi les soins de préparation au bloc opératoire et l’intervention avec des entraves aux pieds », selon le médecin cardiologue qui avait pourtant préalablement demandé que « les moyens de contrainte lui soient ôtés pour permettre l’intervention », expliquant «l’urgence et la gravité de l’état de santé [de N.M.] aux membres de l’escorte pénitentiaire ». Celle-ci a toutefois imposé à l’équipe médicale qu’elle fasse un choix entre « les menottes ou les entraves » si elle souhaitait pratiquer l’intervention.
Avant son hospitalisation, durant la nuit du 14 au 15 juillet 2010, N.M. avait dû patienter plus de trois heures avant d’être pris en charge par l’équipe médicale du SAMU 31. Ressentant de vives douleurs thoraciques, il n’avait pas eu la possibilité de décrire précisément ses symptômes au médecin régulateur du centre 15 lors de l’appel du surveillant gradé de permanence cette nuit là. Le médecin du centre 15 affirme avoir été gêné dans la réalisation de son bilan médical par « l’impossibilité de pouvoir avoir la personne au téléphone ». N.M. avait donc dû attendre l’arrivée du personnel soignant du centre de détention pour bénéficier d’une prise en charge médicalisée adaptée.Interrogé par l’OIP sur l’ensemble de ces dysfonctionnements, la direction de l’établissement pénitentiaire de Muret et la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Toulouse se sont refusés à faire tout commentaire sur cette « situation particulière ».
La députée de la Haute-Garonne Monique Iborra a saisi la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) de ces faits le 17 septembre dernier.
L’OIP rappelle:
– que le Guide méthodologique relatif à la prise en charge sanitaire des personnes détenues précise qu’en matière de réponse aux urgences en dehors des heures de présence médicale, « l’établissement pénitentiaire est invité à mettre en place un dispositif permettant à la personne détenue de communiquer directement par téléphone avec le médecin régulateur du centre 15 »
– que l’article 803 du Code de procédure pénale prévoit que « nul ne peut être soumis au port des menottes ou des entraves que s’il est considéré soit comme dangereux pour autrui ou pour lui-même, soit comme susceptible de tenter de prendre la fuite ».
– que l’article 46 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit que « la qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population (…) »
– que, pour la Cour européenne des droits de l’homme, « l’article 3 de la Convention impose à l’état de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités de l’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrances inhérent à la détention » (CEDH, Kudla c/ Pologne, 26 oct. 2000).