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Centre pénitentiaire de Fresnes : l’administration épinglée pour ne pas avoir respecté une décision de justice sur les fouilles à nu

Condamnée régulièrement depuis deux ans pour sa pratique illégale des fouilles intégrales systématiques en détention, l'administration pénitentiaire l'est désormais également pour son refus de se soumettre à une décision de justice lui enjoignant de respecter les dispositions de la loi pénitentiaire relatives à la pratique des fouilles en détention. Le 17 juillet 2012, le juge des référés du Tribunal administratif de Melun suspendait la décision de la direction du centre pénitentiaire de Fresnes instituant un régime de fouilles intégrales systématiques imposées à l'ensemble des personnes détenues venant de bénéficier d'un parloir. Constatant le non-respect de cette décision de justice, le Tribunal administratif de Melun a été contraint de prononcer pour la seconde fois la suspension de ce régime de fouilles par ordonnance le 29 mars 2013.

Saisi le 28 mars 2013 d’un référé-liberté déposé par l’Observatoire international des prisons (OIP), le juge des référés du Tribunal administratif de Melun a suspendu ce vendredi 29 mars 2013 « la décision implicite par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Fresnes a institué un régime de fouilles corporelles intégrales systématiques à l’égard de l’ensemble des personnes détenues à la sortie des parloirs et la note, en date du 24 décembre 2012, du même directeur ayant le même objet ».

Pour justifier l’existence d’un tel régime de fouilles, l’administration pénitentiaire avance que « le comportement de certaines personnes détenues aux parloirs présente un risque pour la sécurité des personnes et le maintien du bon ordre au sein de l’établissement ». Argument écarté par le juge, qui constate que « l’administration ne fait état d’aucun événement particulier survenu au centre pénitentiaire de Fresnes de nature à faire présumer un risque pour la sécurité des personne ou le maintien du bon ordre dans l’établissement », alors même qu’il lui appartient « de justifier de la nécessité [des] opérations de fouilles et de la proportionnalité des modalités retenues ».

Dans son ordonnance, le juge estime que « l’application systématique d’un tel régime aux détenus de Fresnes lors de chaque visite qu’ils reçoivent constitue une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale consacrée » à l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme qui prohibe la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants « et dont l’article 57 [de la loi pénitentiaire] rappelle les exigences ».

Outre qu’il sanctionne une pratique manifestement illégale, le juge des référés a constaté l’inexécution de la décision rendue par ce même Tribunal le 17 juillet 2012. Le juge administratif de Melun, saisi par l’OIP d’un référé-suspension, avait alors suspendu « la décision implicite par laquelle la directrice du centre pénitentiaire de Fresnes a institué un régime de fouilles corporelles intégrales systématiques à l’égard de l’ensemble des personnes détenue ayant accès aux parloirs ». Relevant ce vendredi 29 mars 2013 que « neuf mois se sont écoulés depuis qu’il a été rendu ladite ordonnance », le juge constate « la carence de l’administration à exécuter cette décision » et que cette dernière « n’a fait l’objet d’aucun commencement d’exécution ».

Près de six ans après les condamnations de la France par la Cour Européenne des droits de l’Homme, qui évoque une atteinte à la « dignité » de la personne, plus de trois ans après l’adoption de la loi pénitentiaire qui est venue encadrer strictement l’usage de la fouille en détention, et plus dix-sept mois après le début de la campagne contentieuse de l’OIP qui a entraîné la condamnation des directions des centres pénitentiaires de Rennes, Poitiers-Vivonne, Bourg-en-Bresse, Nancy, des centres de détention de Bapaume, Salon-de-Provence, Joux-la-Ville, Varennes-le-Grand ou encore Oermingen, l’OIP observe la persistance de fouilles intégrales effectuées de façon systématique sur l’ensemble des personnes détenues ayant eu accès à certains secteurs de la détention dans la plupart des établissements pénitentiaires, ainsi que le maintien de tels régimes dans nombre de ceux pourtant condamnés.

L’OIP rappelle :

– l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants » ;

– l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme El Shennawy c/ France du 20 janvier 2011 : « des fouilles intégrales systématiques non justifiées et non dictées par des impératifs de sécurité, peuvent créer chez le détenu le sentiment d’être victime de mesures arbitraires. Le sentiment d’arbitraire, celui d’infériorité et l’angoisse qui y sont souvent associées et celui d’une profonde atteinte à la dignité que provoque l’obligation de se déshabiller devant autrui […], peuvent caractériser un degré d’humiliation dépassant celui, tolérable parce qu’inéluctable, que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus » ;

– le Conseil d’État : « le droit d’exercer un recours effectif devant une juridiction, protégé par la Constitution et par les stipulations des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue une liberté fondamentale » (CE, 30 juin 2009, Berghal, n° 328879 ; voir également en ce sens CE, 13 mars 2006, Bayrou et autres, n° 291118) et la Cour européenne des droits de l’Homme : « l’exécution d’un arrêt ou d’un jugement, de quelque juridiction que ce soit, doit être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6. Si l’administration refuse ou omet de s’exécuter, ou encore tarde de le faire, les garanties de l’article 6 dont a bénéficié le justiciable pendant la phase judiciaire de la procédure perdraient toute raison d’être » (Cour EDH, 14 décembre 1999, Antonakopoulos, Vortsela et Antonakopoulou c/ Grèce, n° 37098/97, § 25 ; Cour EDH, 19 mars 1997, Hornsby c/Grèce, n° 18357/91, §§ 40-41) ;

– l’article 57 de la loi n°2009-1436 du 24 novembre 2009 : « les fouilles doivent être justifiées par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l’utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes ».