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Conditions de détention à la prison de Nanterre : la justice ordonne des mesures en urgence

Le 2 décembre dernier, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a estimé que les conditions de détention à la maison d’arrêt de Nanterre méconnaissaient gravement les droits fondamentaux des personnes incarcérées. Saisi en référé par l’Observatoire international des prisons (OIP), l’A3D, l’Ordre des avocats au Barreau des Hauts-de-Seine et le SAF, il a ordonné à l’administration de mettre en œuvre huit mesures urgentes pour améliorer la situation.

Dans une ordonnance du 2 décembre 2022, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a considéré que les conditions d’incarcération à la maison d’arrêt de Nanterre portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie des personnes détenues, à leur droit de ne pas subir de traitements dégradants ainsi qu’à leur vie privée. Il avait été saisi, le 18 novembre dernier, par l’OIP, l’association des Avocats pour la défense des droits des personne détenues (A3D), l’Ordre des avocats au Barreau des Hauts-de-Seine, et le syndicat des avocats de France (SAF).

Les requérants dénonçaient l’indignité des conditions de vie dans la maison d’arrêt de Nanterre, vétuste et particulièrement surpeuplée. Le 1er novembre dernier, l’établissement abritait 933 personnes détenues pour 597 places. Lors d’une visite de la prison réalisée en mai dernier, le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau des Hauts-de Seine avait pointé l’état « accablant » des bâtiments : fenêtres qui ne ferment pas, murs dégradés, installations électriques défaillantes, humidité, saleté, prolifération de rats et cafards, etc. Ce constat n’est pas nouveau. En 2016, à la suite de sa visite de la maison d’arrêt, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) avait dénoncé l’importante surpopulation qui affectait l’établissement, les conditions matérielles de détention « fortement dégradées », le manque de personnel, ainsi qu’un climat de violence particulièrement préoccupant. Saisi en 2019 par une personne détenue, le juge des référés du Conseil d’Etat avait constaté l’indignité des conditions d’incarcération de l’intéressée et ordonné des mesures de sauvegarde. Plus récemment, la sénatrice Esther Benbassa ou encore la députée Ségolène Amiot se sont à leur tour inquiétées des conditions de vie des personnes incarcérées dans la prison de Nanterre après s’être rendus dans l’établissement.

Conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat, le juge des référés s’est estimé incompétent pour ordonner des mesures d’une ampleur trop importante, telles que la rénovation des cellules, des cours de promenades, des parloirs et de l’unité sanitaire, le développement de l’offre d’activités professionnelles, éducatives et culturelles ou l’interdiction de l’enfermement à trois dans des cellules de 9 m². Mais, face à l’ampleur des atteintes aux droits fondamentaux constatées, il a enjoint à l’administration de mettre en œuvre huit mesures urgentes susceptibles d’améliorer le quotidien des personnes incarcérées. Le juge a d’abord ordonné « de veiller, dans les plus brefs délais à ce que toutes les personnes détenues identifiées médicalement comme présentant des troubles psychiatriques accompagnés d’un risque « hétéro-agressif » fassent l’objet d’un encellulement individuel quelle que soit leur adhésion à leur traitement ». Constatant l’absence de « protocole d’accueil particulier » pour les personnes à mobilité réduite – au nombre de neuf à la date du recours – il a enjoint à l’administration de « garantir à toute personne détenue ayant de grandes difficultés pour se déplacer, de manière provisoire ou permanente, qu’elle soit ou non en fauteuil roulant, qui en forme la demande, l’accès à une cellule individuelle dans des conditions tenant compte de sa mobilité réduite ». Relevant également que « l’absence de fenêtres fermant correctement dans plusieurs cellules, à l’approche de l’hiver, porte une atteinte grave et manifestement illégale » aux droits des personnes détenues, il a ordonné à l’administration « d’identifier l’ensemble des fenêtres des cellules qui ne ferment pas correctement et de procéder aux réparations provisoires nécessaires pour y remédier ».

Le juge des référés a également prescrit plusieurs mesures visant à garantir l’hygiène et la sécurité sanitaire dans l’établissement. Il ordonne ainsi à l’administration de procéder à « l’enlèvement de la totalité des détritus accumulés dans l’ensemble des espaces extérieurs sur lesquels donnent des cellules et de veiller par un nettoyage régulier à maintenir ces espaces dans des conditions de propreté satisfaisantes », de sensibiliser les détenus à la question du jet de nourriture et de veiller à ce que ces derniers « disposent toujours, gratuitement, de sacs poubelles en nombre suffisant pour assurer l’évacuation quotidienne intégrale des déchets produits dans les cellules » ou de procéder à « une opération d’envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l’ensemble des locaux du centre pénitentiaire des Hauts-de-Seine ».

En outre, constatant que « l’unité de soins est dépourvue d’un ordinateur fonctionnel, est dotée d’un secrétariat sans téléphone interne et d’un bureau « psychiatre » sans téléphone et donc sans possibilité de contact direct de la personne détenue avec l’hôpital ni avec le service d’interprétariat lorsqu’ils en ont besoin », il a ordonné à l’administration de remédier au plus vite à ces carences.

Enfin, le juge des référés a relevé que « certaines cellules comportent des fils électriques apparents et pendant ou dénudés, ce qui est susceptible de mettre en danger les personnes détenues concernées ». Dans ces conditions, il a prescrit à l’administration de réaliser dans les meilleurs délais « une vérification de la sécurité électrique de l’ensemble des cellules et de procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus ainsi qu’avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l’ensemble des réparations qui s’imposent ».

Les organisations requérantes engageront désormais les démarches et procédures nécessaires pour veiller à l’exécution diligente des injonctions formulées par le juge des référés.

Ce communiqué est co-signé par l’A3D, l’Observatoire international des prisons (OIP), l’Ordre des avocats des Hauts-de-Seine et le Syndicat des avocats de France (SAF)

Télécharger la décision du 2 décembre sur les conditions de détention de la prison de Nanterre