Le parquet a ouvert une enquête préliminaire pour déterminer les causes de la mort d'un détenu de la maison centrale de Saint-Maur (Indre), lors de son placement au quartier disciplinaire, le 23 février 2010. Selon les premiers éléments de l'enquête, l'homme serait mort par asphyxie, sans que l'autopsie ne mette en évidence de signe de violence. Eu égard au fait que le décès est survenu à l'occasion de l'utilisation de la force, l'OIP demande que les investigations soient conduites par un magistrat indépendant.
Ni le médecin de la prison, ni le SMUR, dépêché sur les lieux, ne sont parvenus à ranimer J.P., âgé de 36 ans, pris d’un malaise alors qu’il venait d’être conduit de force au quartier disciplinaire. Pas moins de six agents avaient maîtrisé et escorté ce détenu d’une corpulence exceptionnelle (mesurant près de 2 m pour 130 kg) et doté d’une force hors du commun qui, très énervé tandis qu’il attendait une consultation avec une infirmière psychiatrique concernant son traitement, avait frappé un surveillant et cassé une porte au sein du service médical. Alors qu’ils venaient de le placer en cellule disciplinaire et entreprenaient de lui ôter les menottes, les surveillants ont réalisé que J.P. ne réagissait plus et ont alerté les secours.
Joint par l’OIP, le parquet de Châteauroux a indiqué que le rapport d’autopsie réalisé par l’Institut médico-légal de Tours concluait à un décès par asphyxie, sans faire état de violences, et que des analyses complémentaires étaient actuellement menées pour confirmer de façon certaine l’absence d’accident cardio-vasculaire, même si l’intéressé ne présentait pas d’antécédent de cet ordre. Le parquet indique que les investigations se poursuivent mais que les témoignages sont « transparents » et « concordants ». Il explique qu’une substitut du procureur ayant été présente au sein de l’établissement au moment des faits, elle a pu se rendre au quartier disciplinaire très rapidement, permettant de « geler la situation », ce qui « exclut toute forme de concertation » parmi les protagonistes. Selon lui, les éléments de l’enquête permettent d’exclure toute forme de violence et, « a priori », toute négligence de la part du personnel de surveillance. Il estime que l’asphyxie est sans doute liée à un « état de nervosité intense », J.P. étant en « crise » au moment des l’intervention des surveillants. Le parquet indique que pour autant, la possibilité de l’ouverture d’une information judiciaire n’est pas écartée mais qu’il se déterminera au vu des éléments de l’enquête.
Il ressort des témoignages de proches de personnes incarcérées et d’anciens détenus de l’établissement que les réactions violentes de ce détenu étaient redoutées de tous, en particulier des personnels de surveillance, qu’il présentait des troubles psychiatriques importants et qu’il se trouvait régulièrement en crise lorsque son traitement psychotrope cessait de produire ses effets. La préfecture de l’Indre déclare ne pas avoir connaissance le concernant d’une procédure d’hospitalisation d’office pour raisons psychiatriques. Les responsables de la direction interrégionale de services pénitentiaires de Dijon n’étaient pas joignables dans l’après-midi.
L’OIP rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, « l’obligation faite aux autorités de rendre compte du traitement infligé à un individu [privé de liberté] s’impose avec d’autant plus de force lorsque l’intéressé décède » (CEDH, 10 avril 2001, Tanli c/Turquie), que « les investigations doivent notamment être approfondies, impartiales et attentives » (CEDH, 18 mai 2000 Velikova c/Bulgarie) et qu’il « doit y avoir un élément suffisant de contrôle public de l’enquête ou de ses résultats pour garantir que les responsables aient à rendre des comptes, tant en pratique qu’en théorie » et un « accès effectif à la procédure d’enquête » pour les ayant droits (CEDH, 3 juin 2004, Bati c/Turquie). Par conséquent, l’OIP demande la poursuite des investigations dans le cadre d’une information judiciaire.