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Droit à un recours effectif des détenus : le Conseil constitutionnel exige une nouvelle réforme

Saisi par l’OIP, le Conseil constitutionnel a censuré, dans une décision QPC du 7 mai, des dispositions législatives applicables au transfèrement international des personnes détenues pour violation du droit à un recours effectif. C’est la huitième fois en cinq ans que les Sages constatent, à la demande de l’OIP, une méconnaissance par la loi du droit des personnes incarcérées à un recours contre des décisions leur étant défavorables.

Au 1er janvier 2021, 2 912 personnes incarcérées en France étaient ressortissantes d’un autre État membre de l’Union européenne, soit 4,6 % de la population pénale[1]. Ces personnes peuvent solliciter leur transfert dans leur pays d’origine ou tout autre État européen dans lequel elles ont des attaches familiales et des perspectives de réinsertion afin d’y effectuer leur peine. En pratique, environ 50 personnes formulent ce type de demandes chaque année, mais le parquet peut s’opposer à leur transfert. Par ailleurs, le ministère public peut décider d’office – c’est-à-dire sans le consentement de la personne détenue – d’engager une procédure afin que celle-ci soit transférée et exécute sa peine dans un autre pays européen que la France. Or, la loi ne prévoit à ce jour aucun recours contre la décision du ministère public de refuser le transfert ou au contraire d’engager la procédure sans le consentement de l’intéressé.

Saisis par l’OIP, le juge constitutionnel a confirmé, par une décision du 7 mai 2021, l’inconstitutionnalité des dispositions en cause[2]. Il a néanmoins octroyé un délai au législateur, qui a jusqu’au 31 décembre 2021 pour se conformer à la décision de censure et modifier le régime juridique applicable aux demandes de transfèrement international.

Des inconstitutionnalités en cascade

C’est la huitième fois en cinq ans que les juges constitutionnels reconnaissent, à l’initiative de l’OIP, que la loi française est contraire à la Constitution en ce qu’elle méconnaît le droit des personnes détenues à contester les décisions défavorables prises à leur encontre. Les Sages ont ainsi déjà censuré sur ce fondement les dispositions législatives en matière de permis de visite et d’autorisation de téléphoner durant la détention provisoire, de délais de recours et de jugement d’une obligation de quitter le territoire français notifiée à un étranger, de correspondance écrite des personnes en détention provisoire, de rapprochement familial des détenus prévenus attendant leur comparution devant la juridiction de jugement, d’autorisation de sortie sous escorte d’une personne détenue ou de conditions indignes d’incarcération des prévenus et détenus[3].

Lors de cette dernière audience, l’avocat représentant l’OIP, Maître Spinosi, soulignait que la multiplication de ces QPC vise à « obtenir en réalité qu’un même droit, c’est-à-dire le droit au recours des détenus contre des décisions qui leur font grief, soit décliné dans notre législation ». Il poursuivait : « Dans une démocratie relativement bien faite, le législateur prendrait acte des [principes constitutionnels posés] et opèrerait une réforme, un dépoussiérage, un nettoyage global ».[4] Force est de constater que tel n’a pas été le cas, puisqu’une nouvelle action contentieuse a dû être engagée par l’OIP pour que le législateur soit rappelé à son obligation de garantir les droits et libertés protégées par la Constitution.

Cotnact presse : Pauline De Smet · 07 60 49 19 96

[1] Les ressortissants britanniques sont compris dans ce taux.
[2] Décision n° 2021-905 QPC du 7 mai 2021, disponible ici.
[3] Décision 2016-543 QPC du 24 mai 2016, Décision 2018-709 QPC du 1 juin 2018, Décision 2018-715 QPC du 22 juin 2018, Décision 2018-763 QPC du 8 février 2019, Décision 2019-791 QPC du 21 juin 2019, Décision 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020, Décision 2021-898 QPC du 16 avril 2021.
[4] Voir l’audience du 20 avril 2021, disponible ici.