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Face à la politique restrictive des juges de l’application des peines, l’alerte des détenus de la prison de Tarascon

Deux semaines après la pétition des détenus du centre pénitentiaire de Réau (1), les détenus du centre de détention (CD) de Tarascon ont adressé le 3 août 2015 une pétition au Ministère de la Justice et à l’administration pénitentiaire, concernant la politique restrictive des juges de l’application des peines (JAP). Cette pétition, signée par « une centaine de détenus », dénonce de nombreux refus de permissions de sortir motivés par une « date de fin de peine trop éloignée » sans véritable examen des situations individuelles. Le texte pointe « l’incohérence [des] décisions, l’obstruction aux démarches de réinsertion qu’elles occasionnent et l’absence de réelle motivation de celles-ci » et demande « la prise en compte des efforts de réinsertion ».

A titre d’exemple, et malgré un projet solide élaboré avec l’aide du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) et proposé à une association de réinsertion, Bernard L.* s’est ainsi vu refuser, fin juin 2015, une permission de sortir pour un rendez-vous avec l’association marseillaise Pain et Partage. Motif : « fin de peine trop éloignée ». Bernard L., titulaire d’un CAP boulangerie obtenu en détention, pourrait pourtant prétendre à des permissions de sortir depuis un an. Le code de procédure pénale (art. D.146) prévoit que « les condamnés incarcérés dans les centres de détention peuvent bénéficier des permissions de sortir, lorsqu’ils ont exécuté le tiers de leur peine ». Le directeur de Pain et Partage confirme des difficultés pour rencontrer les personnes détenues de la région et précise que « les rendez-vous sont souvent annulés faute d’une permission de sortir ». En moins d’un an, Bernard L. s’est ainsi vu refuser pour le même motif six permissions de sortir. Trois d’entre elles étaient accompagnées d’interdiction de déposer une nouvelle demande pendant une période de quatre à six mois.

Le centre pénitentiaire de Tarascon

Régis M.*, marié et père de trois enfants, est incarcéré depuis huit ans. Il pourrait théoriquement bénéficier de permissions de sortir depuis 2013. A ce jour, il a déposé au moins quatre demandes, « dont une pour passer Noël avec nous » précise sa compagne. Ces demandes ont également été refusées au motif d’une « fin de peine trop éloignée ». La Chambre de l’application des peines, dans une ordonnance confirmant l’un de ces refus, indique que « même si le comportement du condamné est correct et sans incidents, la date de fin de peine est encore très éloignée et la demande prématurée ».

Dans leur pétition, les détenus indiquent que les conditions de détention sont inévitablement affectées par cette politique restrictive. Ils signalent « l’augmentation des incidents à l’encontre du personnel pénitencier ou des détenus eux-mêmes ». Des « incidents fomentés dans le seul but d’obtenir un transfert, et ainsi d’échapper à la politique de la juge ». Une politique à l’origine « de la désespérance des détenus et du climat d’extrême tension » régnant dans l’établissement.

* : tous les noms ont été modifiés

(1) : Le Canard Enchaîné, “Les taulards recadrent leurs juges”, 22/07/2015