A vingt jours du premier tour des élections législatives, l’Observatoire international des prisons - section française, témoin quotidien des conséquences désastreuses des politiques pénales et pénitentiaires fondées sur des idéaux répressifs, appelle à faire front pour un changement radical de politique.
Dans la foulée d’un score glaçant de l’extrême-droite lors des élections européennes, le Président de la République a dissous l’Assemblée nationale. Tandis que depuis des années, sa majorité n’a cessé d’imposer un programme répressif, de louer la surenchère sécuritaire et d’attiser le feu ethno-raciste et anti-social, les politiques démagogiques et autoritaires se sont banalisées. A force d’en épouser les thèmes, le langage et parfois la méthode, elle s’est privée de la possibilité d’incarner demain toute forme de barrage à l’extrême-droite.
En matière pénale et pénitentiaire, le résultat de ces sept dernières années d’exercice du pouvoir est vertigineux. Sans commune mesure avec l’évolution démographique et sans corrélation aucune avec l’évolution de la délinquance, jamais autant de personnes n’ont été incarcérées. Au 1er mai 2024, 77 647 hommes, femmes et enfants étaient détenus, dont deux tiers dans des quartiers pénitentiaires surpeuplés à plus de 150%, et 3 405 d’entre eux dormaient sur un matelas au sol. Ils et elles sont ainsi reclus vingt-deux heures sur vingt-quatre à plusieurs dans 9 mètres carrés, entre des murs insalubres et vétustes, dans une promiscuité intenable et un désert d’accompagnement, d’activités et d’accès aux soins. Chaque mois, les limites de l’intolérable ont été plus loin encore repoussées. Aux côtés d’une surveillance croissante et de la dérive sécuritaire à l’œuvre à l’intérieur des prisons, la situation dramatique de non-respect des droits fondamentaux s’y est encore aggravée.
Prétendant répondre à cette situation, le Gouvernement s’est évertué à promouvoir l’augmentation du nombre de places de prison, feignant d’ignorer que ce programme coûteux n’a jamais permis de lutter contre l’indignité des conditions de détention ou la surpopulation carcérale. En disant vouloir rassurer l’opinion publique, les politiques répressives et sécuritaires menées ont contribué en réalité à la façonner, entretenant l’illusion selon laquelle la menace et les dangers seraient démultipliés et la prison le seul moyen de les endiguer.
Sur le seul temps du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, au moins 120 infractions punies d’emprisonnement ont été créées ou plus sévèrement réprimées, en même temps qu’il a violemment réprimé plusieurs mouvements sociaux. Tissant un même fil, le gouvernement a poussé à son paroxysme la stigmatisation, la criminalisation et la répression des personnes étrangères avec la loi « Immigration », après avoir menacé d’incarcération les plus précaires et vulnérables dans de nombreux autres textes. Ces derniers sont pourtant déjà largement en proie à l’étau répressif : une personne sans domicile fixe ou née à l’étranger a, par exemple, cinq à six fois plus de risques d’être placée en détention provisoire et, par suite, huit fois plus de risques d’être finalement condamnée à de l’emprisonnement ferme.
Un autre barrage est à construire. L’Observatoire international des prisons appelle à refuser tout fatalisme, à changer de paradigme et à porter haut et fort des valeurs solidaires, inclusives et protectrices des droits fondamentaux.
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