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Fouilles à nu injustifiées à la prison de Saint-Quentin-Fallavier

Monsieur C., détenu au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, s’apprête à saisir le tribunal administratif de Grenoble. Il dénonce les fouilles à nu abusives et attentatoires à sa dignité dont il a fait l’objet en février 2018. Le 13 juin dernier, l’administration pénitentiaire avait reconnu le caractère non justifié de ces fouilles et proposé une indemnisation de 200 € au requérant, proposition qu’il juge insatisfaisante. Cette situation n’est pas isolée. Dénoncée à de nombreuses reprises par les organes nationaux et internationaux de défense des droits humains, la pratique illégale des fouilles à nu reste répandue en détention.

Les faits remontent aux 22 et 23 février 2018. Ces jours-là, Monsieur C., détenu au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, a été soumis à une fouille intégrale avant de réintégrer sa cellule, à l’issue de parloirs avec sa famille. Pour lui, rien ne justifiait ces fouilles qui doivent être motivées « par la présomption d’une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l’établissement »[1]. Celles-ci auraient par ailleurs été menées dans des conditions non réglementaires portant atteinte à sa dignité. Selon lui, la salle – dans laquelle étaient pratiquées deux fouilles simultanées – était « partagée en deux par un paravent » qui ne faisait « pas toute la largeur de la pièce », et permettait, de ce fait, à « l’autre détenu et l’autre surveillant » de le voir.  D’après les documents produits par la direction de l’établissement, les fouilles auraient notamment été justifiées, tantôt par « un risque d’évasion en raison de ses antécédents », tantôt par des soupçons de détention « d’objets ou substances prohibés ». Des risques que rien ne saurait pourtant étayer, selon le détenu et son conseil. Saisi par M. C. d’une demande d’indemnisation, l’administration, a – fait rare – reconnu que « les éléments qui [lui] ont été communiqués ne permettent pas de vérifier le bien-fondé de ces décisions de fouilles » et proposé une indemnisation de 200 euros en réparation du préjudice subi. Une proposition insatisfaisante pour M. C., qui a décidé de saisir le tribunal administratif.

La pratique des fouilles à nu a été maintes fois dénoncée comme portant atteinte à la dignité humaine. Entre 2007 et 2009, la France a été condamnée à deux reprises par la Cour européenne des droits de l’Homme pour avoir soumis des personnes détenues à des fouilles à nu fréquentes qui n’étaient pas justifiées par un motif impérieux de sécurité. Elle soulignait notamment que « le sentiment d’arbitraire, celui d’infériorité et l’angoisse qui y sont souvent associés, et celui d’une profonde atteinte à la dignité que provoque l’obligation de se déshabiller devant autrui et de se soumettre à une inspection anale visuelle, peuvent caractériser un degré d’humiliation dépassant, celui, tolérable, parce qu’inéluctable, que comporte inévitablement la fouille corporelle des détenus »[2]. La loi pénitentiaire de 2009 est alors venue encadrer cette pratique, censée devenir exceptionnelle, en exigeant notamment qu’elle soit soumise à un principe de nécessité et de proportionnalité.

Si ce cadre juridique a depuis été assoupli, des fouilles intégrales continuent d’être pratiquées illégalement dans nombre d’établissements pénitentiaires. Dans son rapport de visite paru en mai 2016, le Comité européen pour la prévention de la torture s’alarmait du recours « fréquent voire systématique aux fouilles intégrales dans  certains  établissements »  estimant que  l’administration  usait  de  « méthodes intrusives non respectueuses de l’intégrité physique des détenus ». La même année, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté s’inquiétait que « le recours aux fouilles intégrales demeure très répandu » et que « les dispositions légales demeurent appliquées de façon très inégales selon les établissements »[3].

Sous la pression des syndicats pénitentiaires, qui réclament la suppression de l’article 57 de la loi pénitentiaire qui encadre cette pratique, une mission d’information parlementaire sur le régime des fouilles en détention a été mise en place et devrait rendre son rapport en septembre. Dans une note à son attention, l’OIP rappelle que la pratique des fouilles à nu n’a pas fait la preuve de son efficacité en matière de sécurité, qu’elle tend au contraire à accroître les tensions et violences en détention, et que d’autres mesures existent pour contrôler la circulation d’objets dangereux en détention.

[1] Article 57 de la loi pénitentiaire.

[2] CEDH 12 juin 2007, Frérot c/France, n°70204.

[3] Courrier du 3 mai 2016 adressé au président de la Commission mixte paritaire.