En octobre dernier, vingt détenus et ex-détenus du centre pénitentiaire de Grenoble-Varces avaient saisi le tribunal administratif d’une requête en référé-constat. L’objectif : faire constater l’indignité de leurs conditions de détention afin de pouvoir être indemnisés. Le tribunal vient de rejeter leurs requêtes, au motif que ce constat était déjà établi. Les détenus peuvent donc désormais demander une indemnisation.
Communiqué commun de l’OIP-SF, de l’Ordre des avocats de Grenoble et du Syndicat des avocats de France.
Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ce 28 novembre 2019 les vingt requêtes en référé-constat présentées par des détenus et ex-détenus du centre pénitentiaire de Varces. Ceux-ci demandaient au tribunal de nommer des experts pour faire constater leurs conditions de détention. Ils pointaient la suroccupation de l’établissement et la promiscuité imposée, mais aussi « des toilettes sans portes ou une porte ne fermant pas (…), une installation électrique précaire, une odeur pestilentielle, une aération absente générant une atmosphère étouffante l’été, un éclairage naturel insuffisant par des fenestrons opacifiés, portant des vitres dégradées, des douches immondes, parfois hors d’état de fonctionnement et d’un accès insuffisant, l’absence d’aération dans les parloirs, la promiscuité et le manque d’hygiène, la nourriture qui arrive froide dans les cellules et en quantité insuffisante, un quartier disciplinaire qui comporte une pièce fermée faisant office de cour de promenade, la présence massive de rats et de moustiques. » Ces constats établis, les requérants auraient alors pu saisir à nouveau le tribunal pour que celui-ci reconnaisse le préjudice subi et condamne le ministère à les indemniser.
Sans audience, mais après avoir reçu les interventions volontaires du Syndicat des avocats de France, de la section française de l’Observatoire international des prisons et de l’Ordre des avocats de Grenoble, le tribunal a estimé hier que le constat demandé n’était pas nécessaire eu égard aux informations déjà suffisantes fournies au tribunal par les parties.
Il juge en effet que « le rapport circonstancié du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, rédigé à la suite de sa visite du centre pénitentiaire de Grenoble-Varces du 8 au 12 février 2016 décrit déjà, sur 131 pages, en particulier aux chapitres 6 et 8, et largement dans des termes voisins de ceux [des requérants], les modalités de détention ». Il note que « ce rapport évoque notamment un espace disponible pour circuler réduit à 2,25 m par personne, des cellules très dégradées ».
Il rappelle également que « le rapport élaboré par un parlementaire [le sénateur Gontard], ayant visité tant des cellules que les parties communes du centre pénitentiaire le 6 aout 2019, et les articles de presse rédigés par des journalistes l’ayant accompagné, font état de constats similaires, illustrés de photographies. Est notamment exposé un taux d’occupation chronique de plus de 155%. »
Il faut dire que le ministère de la Justice qui s’est défendu dans le cadre du référé constat n’a pas sérieusement contesté l’état de la prison. Le tribunal note ainsi que « si la garde des Sceaux, qui a également visité le site le 28 juin 2019, allègue dans ses écritures que des travaux sont prévus ou ont été réalisés, les très nombreuses prises de vue d’un nombre significatif de cellules, du quartier disciplinaire et des parties communes, versées au dossier en défense, corroborent en grande partie ces constats. »
Si l’expertise sollicitée n’apparaît pas utile au tribunal, c’est donc parce que l’état de la prison est aujourd’hui largement documenté par les différentes visites effectuées, et ce sans que pour autant les choses ne changent pour les personnes qui vivent et travaillent dans ces conditions.
Ainsi, les détenus qui ont dénoncé ces conditions de détention d’un autre âge peuvent maintenant poursuivre la procédure en réclamant au ministère de la Justice l’indemnisation du préjudice qu’ils ont subi. Ils pourront, dans ce combat, compter sur le soutien du SAF, de l’Ordre des Avocats de Grenoble et de l’OIP. Rappelons néanmoins que les personnes actuellement incarcérées dans ce centre pénitentiaire ne verront pas pour autant leurs conditions de détention s’améliorer : en 2014 déjà, des détenus de Varces avaient été indemnisés à la suite d’une démarche similaire, sans que l’administration ne prenne de mesures permettant de mettre un terme à l’indignité des conditions de détention dans cet établissement.
Contact presse : Aurélie MARCEL, avocate 0681728978 / Claude COUTAZ, avocat 0686340417