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Les conséquences de la grève sur les usagers contraints du service public pénitentiaire

Au 12e jour de grève des surveillants et alors qu’un large espace médiatique est consacré aux revendications des syndicats, peu s’intéressent à leur impact immédiat sur le quotidien des personnes détenues. Des conséquences parfois anecdotiques mais qui peuvent aussi, bien souvent, se révéler dramatiques. Et entraîner une escalade de la violence.

« Les détenus sont restés enfermés dans leur cellule depuis trois jours. La tension devait être extrême dans les deux maisons d’arrêt. Je ne sais pas comment ils ont pu déjeuner et dîner » alerte une personne intervenant au centre pénitentiaire de Riom. Confinés de jour comme de nuit en cellule – parfois à trois dans 9m2 – faute de personnels pour ouvrir les portes, le mouvement des surveillants c’est aussi et surtout, pour les détenus, un blocage du fonctionnement de la prison : des activités suspendues, des douches, des promenades, des rendez-vous annulés, des communications avec l’extérieur coupées, des cantines non acheminées (donc un accès limité à des produits d’hygiène, des denrées alimentaires ou du tabac). Des dysfonctionnements qui vont jusqu’à l’absurde : à Longuenesse, les déjeuners auraient été distribués par les Équipes régionales d’intervention et de sécurité (Eris). L’accès au téléphone est encore plus restreint qu’à l’ordinaire, voire impossible ; dans plusieurs établissements, les courriers ne seraient plus distribués, ou alors avec un retard important. « Depuis quelques jours, absence de parloir, de promenade. Je ne peux pas voir ma femme depuis sept jours. Aujourd’hui, nous avons été enfermés totalement et n’avons eu qu’un léger repas à 16h30, rien d’autre », raconte un détenu dans un message envoyé à l’OIP.

Les effets de la grève sont aussi immédiats à l’extérieur des murs : dans la plupart des établissements bloqués, les parloirs familles et les rencontres en unités de vie familiale ont été supprimés. Une violence de plus pour les proches de détenus, qui font parfois des heures de route pour des rendez-vous pris longtemps à l’avance et apprennent une fois sur place l’annulation de leurs rendez-vous. Après des trajets souvent coûteux, certain.es ont dû dormir à l’hôtel. Ainsi, une famille a fait 650 km pour partager 24h en unité de vie familiale (UVF) avec leur proche incarcérée. Après une journée d’attente à l’extérieur de la prison, dans la pluie et le vent, sans information fiable sur la possibilité ou non d’accéder à l’UVF, ils sont finalement contraints de passer la nuit à l’hôtel. Pour voir leur visite à nouveau annulée le lendemain.

Enfin, des rendez-vous médicaux et des extractions vers les hôpitaux ont été bloqués, des traitements non distribués… A Nantes, au Havre, à Riom, des soignants ont tiré la sonnette d’alarme. « Toutes les activités, rendez-vous ou soins ont été annulés car aucun personnel n’a pu rentrer, y compris dans les bâtiments administratifs. À 11h, deux infirmières ont fini par être autorisées à accéder aux zones de détention pour distribuer les médicaments », témoigne un intervenant. « Les malades psychiques et toxicomanes doivent sacrément souffrir, j’espère qu’il leur reste du tabac », ajoute-t-il.

Des avocats ont par ailleurs signalé à l’OIP l’annulation des rencontres avec leurs clients, ainsi que le report des extractions judiciaires. A Nantes, une audience de comparution immédiate a été reportée d’un mois : autant d’hommes qui se voient contraints de passer un mois en détention provisoire… « C’est le branle-bas-de combat à tous les étages du tribunal », témoigne un avocat, qui confirme que, sur place, la désorganisation de la justice est totale.

Premières victimes des blocages, les détenus et leurs proches lancent pourtant l’alerte depuis le début. Dans plusieurs prisons, des mouvements collectifs s’organisent pour attirer l’attention (à Fresnes, Fleury, Maubeuge, Sequedin, Pau), se manifestant surtout par des refus de regagner les cellules à l’issue des promenades. Des familles de détenus tentent aussi de faire entendre leur indignation et leur désarroi. « Je comprends bien entendu les appels à l’aide des surveillants mais ont-ils le droit de les traiter comme des animaux (et encore… dans les refuges les animaux ont droit à leur promenade quotidienne). Actuellement des familles entières n’ont aucune nouvelle de leurs conjoints, frères, pères » témoigne un proche.

Dans un contexte où les tensions s’accroissent dans des établissements surpeuplés, ces actions – inédites dans la plupart des prisons bloquées – ne peuvent qu’augmenter la souffrance intramuros et avec, les risques de violences que les personnels entendent pourtant dénoncer.

Contact presse : François Bès – 06 64 94 47 05