Alors que s’ouvrent ce mardi 18 mai les débats relatifs au projet de loi dit « pour la confiance dans l’institution judiciaire » en séance publique de l’Assemblée nationale, 19 associations et organisations intervenant dans le champ prison-justice adressent, dans une lettre ouverte aux députés, leurs observations et recommandations concernant les dispositions relatives à la détention et à l’exécution des peines privatives de liberté.
Cette interpellation collective s’inscrit en réaction à l’absence « de véritable concertation ni avec la société civile, ni avec les professionnels, négligeant ainsi la richesse des débats que les sujets abordés auraient pu susciter » dans le cadre de la préparation et de l’examen du projet de loi. Les signataires soulignent d’abord positivement les quelques mesures visant à réduire le recours à l’incarcération, tout en relevant que ces mesures, timides et dépourvues de caractère contraignant, ne pourront dès lors avoir l’effet escompté. Ils regrettent notamment, en ce qui concerne la détention provisoire, l’occasion manquée de « prendre le problème à la source » alors que la nécessaire refonte en profondeur des textes était attendue. Ils mettent également en garde contre la banalisation de la surveillance électronique et rappellent que la liberté doit toujours lui être privilégiée, si besoin assortie d’un contrôle judiciaire. Ils saluent en outre l’intention de favoriser les libérations anticipées et accompagnées dans le cadre d’une généralisation de la libération sous contrainte, tout en déplorant que certaines catégories de personnes en soient exclues, en particulier les personnes ne disposant pas d’hébergement, qui sont également les plus précaires et isolées.
Les signataires sont en revanche « particulièrement préoccup[és] » par les effets négatifs de la réforme envisagée du système des réductions de peine : « Alors même que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme à prendre des mesures urgentes pour résorber de manière définitive sa surpopulation carcérale, le législateur propose un dispositif qui aura nécessairement pour conséquence l’augmentation du nombre de prisonniers ». Ils relèvent également que les conditions cumulatives de bonne conduite et d’efforts sérieux de réinsertion exigées pour l’octroi des réductions de peine « font fi de la réalité carcérale et de l’absence généralisée d’activités proposées par l’administration pénitentiaire dans de nombreuses prisons ».
Par ailleurs, tandis que les personnes détenues sont actuellement exclues du champ d’application du droit du travail, les signataires saluent le fait que le législateur s’empare enfin de cette question et consacre des avancées positives, en particulier en termes de droits sociaux. Mais, outre le caractère inabouti de ces avancées, ils regrettent que le projet de loi entérine la flexibilité du travail en prison « sans prévoir les protections qui doivent venir compenser cette précarité » et que certains sujets centraux comme la rémunération soient passés sous silence. Ils rappellent qu’au-delà du travail, l’ensemble des dispositifs mobilisables en matière de réinsertion restent largement insuffisants et fortement sous-dotés budgétairement.
Enfin, les signataires ne peuvent que déplorer l’absence de réforme concernant l’expression collective des personnes détenues, aujourd’hui interdite. Alors que le projet de loi place la discipline au cœur de l’accès aux nouveaux dispositifs, que ce soit en matière de libération sous contrainte, de réduction de peine ou de travail, il ne reconnaît aux personnes incarcérées aucune place dans la gestion et l’organisation quotidienne de leur détention. « S’il est évident que leur exercice appelle des aménagements, des droits collectifs doivent être reconnus dans leur principe et donner lieu à un encadrement et à des modalités d’exercice compatibles avec l’état de détention », soulignent les signataires qui espèrent que, malgré le temps limité consacré aux discussions du projet de loi, des améliorations pourront être apportées en ce sens dans le cadre des débats à venir à l’Assemblée nationale.
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Associations et organisations signataires :
A3D (Association des Avocats pour la Défense des Droits des Détenus); ANAEC (Association Nationale des Assesseurs Extérieurs en Commission de discipline des établissements pénitentiaires); ANJAP (Association nationale des juges de l’application des peines); ANVP (Association nationale des visiteurs de prison); Auxilia; Ban Public: CASP ARAPEJ (Centre d’Action Sociale Protestant – Association Réflexion Action Prison Et Justice); CGT Insertion Probation; Citoyens et justice ; CLIP (Club informatique pénitentiaire) ; Courrier de Bovet ; Emmaüs-France ; FARAPEJ (Fédération des Associations Réflexion Action Prison Et Justice) ; LDH (Ligue des Droits de l’Homme) ; Lire pour en sortir ; OIP-SF (Observatoire International des Prisons – Section Française) ; SAF (Syndicat des Avocats de France) ; Secours Catholique / Caritas France ; SM (Syndicat de la Magistrature).