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Maison d’arrêt de Corbas : un avocat empêché de défendre son client devant la commission de discipline au mépris des droits de la défense

Le 22 septembre dernier, Maître Negrutiu, avocat au barreau de Lyon, se voyait refuser l'accès à la commission de discipline de la maison d'arrêt de Corbas devant laquelle devait pourtant comparaître son client. Motif : ce dernier avait coché la mauvaise case sur le formulaire par lequel il lui avait été demandé, un mois plus tôt, s'il souhaiterait être assisté par son avocat au cours de cette procédure. Cette décision ubuesque témoigne du peu de cas qui est fait du respect des droits de la défense et, plus largement, des garanties du procès équitable devant l'instance disciplinaire des établissements pénitentiaires.

A l’occasion d’une extraction au palais de justice, M.G. demande à son avocat, Maître Negrutiu, de l’assister au cours de la commission de discipline devant laquelle il doit comparaitre la semaine suivante. L’avocat prend alors contact avec la maison d’arrêt de Corbas qui lui confirme que son client est poursuivi disciplinairement pour détention d’objets interdits et outrage à un personnel de surveillance et lui indique qu’il pourra consulter le dossier le jour de l’audience. Mais, lorsqu’il se présente dans les locaux de l’établissement, la directrice adjointe qui préside ce jour-là la commission de discipline lui signale qu’il ne sera autorisé ni à consulter le dossier, ni à s’entretenir avec son client et encore moins à l’assister au cours des débats, refusant même qu’il rédige des observations écrites pour qu’elles soient jointes à la procédure. Pourtant Maître Negrutiu est bien titulaire d’un permis de communiquer avec M. G. comme le prescrit le Code de procédure pénale, lequel prévoit également qu’« aucune mesure ne peut supprimer ou restreindre la libre communication de la personne détenue avec son conseil » et qu’ « il est interdit au personnel de l’administration pénitentiaire (…) d’agir de façon directe ou indirecte auprès des détenus pour influer sur leurs moyens de défense ».

Devant cette entrave manifeste aux droits de la défense et à la libre communication avec son avocat, Maître Negrutiu saisit le directeur de l’établissement qui lui fait savoir qu’il « ne [peut] que conforter la position de sa directrice adjointe » dès lors que « la page de notification [de la convocation à la commission de discipline] porte clairement la demande de M. G. d’assurer lui-même sa défense : il a coché la case ad hoc » et que Maître Negrutiu ne « pouvait se prévaloir d’une décision différente de sa part ».

Seulement voilà, ce formulaire administratif n’a absolument aucune valeur juridique et aucune disposition de quelque nature que ce soit ne s’opposait à ce que M. G. précise s’il souhaitait ou non être assisté par son avocat le jour de sa comparution, ce que la directrice adjointe a refusé de lui demander. Il est extrêmement préoccupant qu’un formulaire, mis en place par l’administration pour s’assurer que les personnes amenées à comparaître devant la commission de discipline ont bien été informées de leur droit d’être assisté par un avocat, puisse se retourner contre elles et constituer un obstacle à l’exercice de ce droit. M. G. a finalement été condamné à 21 jours de cellule disciplinaire dont 5 avec sursis sans avoir pu bénéficier de l’assistance de son avocat, au mépris évident des droits de la défense. Maître Negrutiu a depuis saisi la direction interrégionale des services pénitentiaires pour lui demander de revenir sur la sanction prononcée par la directrice adjointe de la maison d’arrêt de Corbas à l’encontre de M. G. En vain, la direction interrégionale vient de rejeter ce recours en reprenant presque mot pour mot l’argumentation de la direction de l’établissement, décision que l’avocat entend attaquer dans les prochains jours devant le juge administratif.

Cet incident illustre ce que Jean-Marie Delarue, alors Contrôleur général des lieux de privation de liberté, qualifiait en 2011 de « désinvolture administrative » qui conduit l’administration pénitentiaire à « ignorer tantôt la loi, tantôt la réalité, ou bien les deux simultanément » (CGLPL, Rapport d’activité 2011, chap 8., p.257). Comme il le soulignait l’année suivante, en matière de respect des droits de la défense, « l’information ne suffit pas, encore faut-il que la personne privée de liberté soit mise en mesure d’exercer effectivement ceux de ses droits qui peuvent concourir à sa défense, au premier chef, l’assistance d’un conseil » (CGLPL, Rapport d’activité 2012, chap.4, p.193). Plus largement, cette obstruction aux droits de la défense démontre une fois de plus que la procédure disciplinaire, aussi bien dans les textes que dans les pratiques de l’administration pénitentiaire, ne présente que de très faibles garanties au regard des règles du procès équitable. Présidée par le chef d’établissement ou par un de ses adjoints, lesquels concentrent également les pouvoirs d’enquête et de poursuite, l’instance disciplinaire des établissements pénitentiaires ne présente en effet toujours pas, malgré son ouverture à un membre extérieur à l’administration pénitentiaire, le degré d’impartialité requis pour que soient satisfaites les exigences du procès équitable telles que les définie la Cour européenne des droits de l’homme.

 

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