Détenu six mois à la maison d'arrêt de Mulhouse, Mathieu a été rémunéré 1,33 euros de l'heure pour le travail de bibliothécaire qu'il a exercé au sein de la prison. Représentant moins d'un septième du SMIC, cette rémunération indécente n'est pas conforme aux dispositions prévues par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Pourtant, l'administration pénitentiaire refuse de l'indemniser.
De mai à octobre 2012, Mathieu a assuré la gestion de la bibliothèque de la prison de Mulhouse 4 journées par semaine, entre 5 et 6 heures par jour. Pour ce travail, il aurait dû bénéficier d’une rémunération égale à 20 % du SMIC, soit 1,88 € de l’heure. Or, il n’a touché qu’une rémunération équivalente à 1,33 € de l’heure. Au cours des mois de juillet, août et septembre 2012 par exemple, il n’a ainsi perçu que 112 € pour 84 heures de travail, alors qu’il aurait dû percevoir 158 €.
A sa sortie de prison, après avoir été informé de ses droits, Mathieu a demandé à l’administration de procéder à une régularisation de sa situation. Par courrier du 19 décembre 2012, il a donc sollicité le versement d’une somme correspondant au « manque à gagner ». Mais la direction de l’établissement a refusé de faire droit à sa demande, arguant dans un courrier du 23 janvier 2013, que « la rémunération [au service général] ne se fait pas en heure mais sur la base d’une journée de travail ».
En d’autres termes, la direction de l’établissement continue de se référer au système de rémunération antérieur à la loi pénitentiaire, laquelle prévoit désormais que « la rémunération du travail des personnes détenues ne sauraient être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance » (article 32). En ce qui concerne le travail au service général (c’est-à-dire les travaux réalisés pour le compte de l’administration pénitentiaire, ce qui est le cas de Mathieu), ce taux a été fixé par décret entre 20% et 33% du SMIC, suivant la technicité des travaux définie en trois « classes » (classe I, classe II, classe III). Le travail de bibliothécaire ayant été considéré comme relevant de la classe III, il donne droit à une rémunération égale à 20% du SMIC horaire (1,88 € de l’heure en 2012).
Cette résistance de la direction de la maison d’arrêt de Mulhouse à l’application de la loi pénitentiaire n’est pas un cas isolé, puisqu’elle ne fait qu’appliquer les directives de la direction centrale de l’administration pénitentiaire. En effet, par voie de circulaires, celle-ci invite les directions d’établissement à maintenir le système de forfaits journaliers alors même que les montants retenus (8 euros par jour pour la classe III par exemple) aboutissent, sur la base d’une durée moyenne de 6 heures de travail par jour, à des taux inférieurs à ceux prévus en application de la loi pénitentiaire.
L’OIP rappelle :
– la recommandation Rec (2006) 2 du Conseil de l’Europe sur les règles pénitentiaires européennes selon laquelle : « le travail des détenus doit être rémunéré de façon équitable » (Règle 26-10) et « à l’idéal » de manière « conforme aux salaires pratiqués dans l’ensemble de la société » (commentaires).
– les articles 32 de la loi pénitentiaire et D.432 du Code de procédure pénale selon lesquels « la rémunération du travail effectué au sein des établissements pénitentiaires par les personnes détenues ne peut être inférieure à 20 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour le service général, classe III. »