Souvent pointée du doigt pour ses conditions de détention indignes, la prison de Saint-Étienne a fait en mars l’objet d’une procédure en urgence devant le tribunal administratif. Si ce dernier a rejeté la quasi-totalité des mesures qui étaient sollicitées, une récente visite de la prison a mis en lumière la mauvaise foi du ministère de la Justice dans sa réponse au tribunal, et la précipitation de ce dernier à le croire.
Dans un référé-liberté déposé le 16 mars, l’Observatoire international des prisons (OIP) et l’Association des avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) saisissaient le tribunal administratif de Lyon des conditions de détention indignes au centre pénitentiaire de Saint-Étienne La Talaudière. Les requérants demandaient que soient prises en urgences différentes mesures pour mettre fin aux atteintes graves aux droits fondamentaux des personnes qui y sont incarcérées. Cellules insalubres, fenêtres cassés, cours jonchées de déchet, sanitaires non isolés du reste de la cellule, risques électriques : la liste des griefs était longue[1]. Dans sa décision rendue le 29 mars, le juge administratif a cependant ignoré ce constat d’indignité, ne faisant suite qu’à deux réclamations : la remise en conformité du parafoudre et la distribution de kits d’hygiène aux personnes détenues. Pour écarter les autres demandes formulées par les requérants, il s’est notamment appuyé sur les informations produites par le ministère de la Justice, dont il n’a à aucun moment questionné l’exactitude.
Dans l’ordonnance du tribunal administratif, on peut ainsi lire qu’ « il résulte de l’instruction, notamment des pièces produites par le ministre (…) que le nettoyage des cellules du quartier disciplinaire est effectué à chaque sortie de fin de sanction, (…) que les sols, murs, plafonds, les fenêtres des cellules, les toilettes des cellules et la douche du même quartier sont dans un état satisfaisant de propreté et que les fenêtres des cellules dudit quartier fonctionnent de manière satisfaisante ». Le ministère de la Justice affirmait notamment que toutes les cellules disciplinaires avaient été repeintes (produisant la photo d’une cellule à l’appui de cette déclaration).
Une visite de la députée Andrée Taurinya le 10 avril dernier a permis de constater que cette information était fausse et de mesurer l’ampleur de l’aveuglement du tribunal. En effet, seules deux cellules sur les huit que compte le quartier disciplinaire ont réellement été rénovées. Une rénovation toute partielle : dans l’une de ces cellules fraichement repeintes, la fenêtre était toujours brisée et encombrée de détritus. Les deux autres cellules visitées par la députée étaient quant à elles dans un état déplorable, n’en déplaise au tribunal : sols et murs souillés, sanitaires rouillés, fenêtres brisées. L’une d’entre elle avait été incendiée, et les barreaux du sas étaient encore cloqués et noirs de suie.
Les contradictions entre les pièces fournies par le ministère de la Justice et la réalité ne s’arrêtent pas là. Le juge avait ainsi estimé que les salles d’attente de l’unité sanitaire « étaient dans un état satisfaisant de propreté », quand bien même ces dernières sont dans le même état de saleté que lors d’une première visite effectuée par la députée en novembre dernier[2]. Et alors que le juge avait fait sienne la déclaration du ministère selon laquelle les cours de promenade et les abords du bâtiment A faisaient l’objet « d’un nettoyage quotidien », la visite réalisée le 10 avril a permis de constater que cela n’était pas le cas, de nombreux déchets en tout genre jonchant abondamment le sol.
Également saisi du problème des cabines téléphoniques en panne et des fenêtres brisées, le juge administratif avait repris, sans la questionner, l’affirmation du ministère selon laquelle les équipements détériorés étaient remplacés ou réparés dès lors que les personnes détenues en faisaient la demande. Une affirmation fermement contredite par les prisonniers interrogés par la députée, qui attendaient depuis plusieurs mois le changement d’une fenêtre absente – et remplacée par un simple drap. Lors de la visite, un surveillant a quant à lui admis que « toutes les réparations n’étaient pas prioritaires ».
L’OIP et l’A3D ne peuvent que s’indigner des informations erronées ou partielles apportées par le ministère de la Justice, et regretter le peu d’entrain de la juridiction administrative à les questionner– quand les rapports produits par les associations, journalistes et députés restent quant à eux systématiquement minimisés. L’ensemble des constats dressés lors de la visite réalisée le 10 avril dernier, photographies à l’appui, seront produits dans le cadre de l’appel déposé ce jeudi 13 avril devant le Conseil d’État.
Contact presse : Sophie Larouzée-Deschamps · 07 60 49 19 96 · sophie.larouzeedeschamps@oip.org
[1] Communiqué de presse du 10 mars : Conditions de détention indignes à la prison de Saint-Étienne : des associations saisissent la justice
[2] Visite de la députée Andrée Taurinya le 3 novembre 2022