Santé mentale
« On assiste à un déplacement de l’hôpital psychiatrique vers la prison » s’alarmait déjà il y a près de quinze ans le Comité consultation national d’éthique (CCNE). Selon la dernière enquête épidémiologique de référence, plus de 20% des personnes incarcérées sont atteintes de troubles psychotiques dont 7,3% de schizophrénie et 7% de paranoïa et autres psychoses hallucinatoires chroniques. Au total, huit hommes détenus sur dix et plus de sept femmes sur dix présentent au moins un trouble psychiatrique, la grande majorité en cumulant plusieurs (troubles anxieux, dépressions, troubles bipolaires, psychoses…) et des dépendances. 35% à 42% des hommes étaient considérés comme manifestement malades, gravement malades ou parmi les patients les plus malades (2006). Des résultats qui font écho à une enquête régionale plus récente, menée entre 2015 et 2017 dans le Nord-Pas-de-Calais : les comorbidités sont très fréquentes en détention. 45% des arrivants présentent au moins deux troubles psychiatriques et plus de 18% au moins quatre. Le taux de pathologies psychiatriques est quatre à dix fois plus élevé en prison que dans la population générale. Or, la prison est un milieu pathogène. Et « l’incarcération de personnes atteintes de maladies mentales graves ne peut qu’entraîner une perte de repères et de sens : perte du sens même de la peine et de l’emprisonnement » mais aussi « perte du sens même du soin et du rôle de soignant » comme le relève le CCNE. Pourtant, loin de remédier à ce phénomène par une réflexion sur les failles de la psychiatrie générale en milieu libre, les pouvoirs publics mettent en place des dispositifs judiciaro-sanitaires qui avalisent la présence de ces publics en prison.
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