Accéder aux documents administratifs
Le détenu doit pouvoir avoir accès à certains documents administratifs. La loi spécifie quels sont les documents qui sont consultables et quelle est la procédure à suivre pour ce faire.
En principe, « les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent » (article 2 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations).
Mais en pratique, l'accès aux textes produits de l'administration pénitentiaire (décrets, circulaires, notes...) s'avère souvent très difficile pour les personnes détenues et leurs proches. D'une part, l'absence d'accès à internet oblige les détenus à se contenter des textes reproduits dans le code de procédure pénale généralement disponible à la bibliothèque (mais pas forcément à jour). D'autre part, nombre de circulaires ou de « notes », qu'elles soient nationales, régionales ou locales, ne sont pas publiées et demeurent inaccessibles, bien qu'elles servent de règlementation de référence en détention.
Il est donc souvent nécessaire de demander la communication de ces textes aux services pénitentiaires, demandes cependant fréquemment laissées sans réponse par l’administration.
De façon générale, le détenu peut demander communication de tout « document administratif » (circulaire, note, rapport, compte rendu, statistique, etc.) en possession d’une autorité administrative (article L.300-2 du code des relations entre le public et l’administration). Par exemple, le rapport d’activité de l’établissement, le compte rendu de la réunion du conseil d’évaluation, une note interne fixant telle ou telle règle, le règlement intérieur, la liste des produits vendus à la cantine, etc. sont des documents communicables.
Certains documents demeurent non communicables : il s’agit essentiellement de ceux dont la communication risquerait de porter atteinte « à la sûreté de l’Etat, à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes » (par exemple, un document décrivant les dispositifs de sécurité d’un établissement ou indiquant l’horaire des rondes). Mais, dans ce cas, l’administration doit en priorité tenter d’« occulter ou de disjoindre » les mentions problématiques et ne refuser la communication du document que si cette opération n’est pas possible (article L.311-5 du code des relations entre le public et l’administration).
Par exemple, la communication du règlement intérieur, qui constitue un document de référence pour connaître le régime de détention propre à chaque prison, peut être sollicitée par la personne détenue (CADA, 5 septembre 2002, n°20023799). Les textes prévoient également qu’il peut être consulté par le détenu à sa demande (R.57-6-20 du code de procédure pénale). A noter qu’il existe désormais un « règlement intérieur type », applicable à tous les établissements pénitentiaires, dont une version est reproduite dans le code de procédure pénale (annexe à l’article R-57-6-18 du code de procédure pénale).
Ont par exemple été également regardés comme constituant des documents administratifs communicables au détenu ou à tout autre personne intéressée qui en fait la demande : les notes de services de la Direction régionale des services pénitentiaires (CADA, 17 octobre 2002, avis n° 20023799); la copie de circulaires édictées par le Ministère de la justice (CADA, 9 juillet 2015, avis n°20151974); les statistiques mensuelles éditées par la direction de l’administration pénitentiaire, (CADA, 17 octobre 2002, avis n° 20024102), les factures d’achats effectués par l’administration pénitentiaire de denrées alimentaires ou de matériel informatique (CADA, 17 février 2011, avis n° 20110443 et CADA, 23 octobre 2008 avis n°200883973) ; les conventions de concession de main d’œuvre pénitentiaire, sous réserve de l’occultation des mentions susceptibles de porter atteinte à la vie privée des personnes ainsi qu’au secret des affaires (TA Poitiers, 9 déc. 2015, M. P., n°1302295) ; les rapports annuels d’une direction interrégionale des services pénitentiaires, les rapports de l’ensemble des services d’insertion et de probation et de l’ensemble des établissements pénitentiaires placés sous son autorité ainsi que les rapports des conseils d’évaluation sous réserve de l’occultation préalable des mentions susceptibles de porter atteinte à la sécurité publique, à la sécurité des personnes ou à la protection de la vie privée (TA Paris, 31 mars 2015, OIP-SF, n°130736615-2 et 130736515-2).
Les documents comportant des données nominatives, c’est-à-dire des appréciations ou informations sur une ou plusieurs personnes, ne sont accessibles qu’aux personnes concernées.
Dès 1978, la loi a posé le principe d’un droit d’accès des administrés à la plupart des documents administratifs, nominatifs ou non, les concernant. Par ailleurs, toute personne a le droit de connaître les « informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposées », c’est-à-dire utilisées en sa défaveur (article L.311-3 du code des relations entre le public et l’administration).
Un détenu peut donc demander à consulter tous les documents qui le concernent à chaque fois qu’une décision est prise à son encontre. Il peut par exemple obtenir la copie de son dossier médical, de ses permis de visite (CADA, 4 novembre 2010, n° 20104161), d’un dossier disciplinaire une fois la décision prise (CADA 2 décembre 2010, avis n° 20104665) d’un compte rendu d’incident resté sans suite (CADA, 11 septembre 2008, n° 20083521), des propositions de transfèrement le concernant (TA Versailles, Moulay, 24 juin 2002, n° 9905618) et, de façon générale, de l’ensemble des parties non judiciaires de son « dossier individuel » (CADA, 8 novembre 2001, n° 20013648).
Ces documents peuvent être demandés au chef d’établissement ou directement au greffe, qui détient le « dossier individuel » du détenu.
En revanche, les documents qui appartiennent à la procédure judiciaire sont exclus du droit d’accès (TA Rouen, Deletombe, 28 juin 2002, n° 02179 ; CADA, 5 février 2015, avis n° 2014443). Tel est le cas, par exemple, d’une expertise psychiatrique diligentée dans le cadre d’une instruction, d’une décision de transfert judiciaire, d’un refus de permission de sortie ou de libération conditionnelle délivré par le juge d’application des peines.
En pratique, l’accès aux documents et procédures concernant le détenu est en général long et difficile : l’administration reste très souvent silencieuse ou oppose un refus pur et simple à la plupart des demandes, même quand elles sont effectuées par l’intermédiaire de l’avocat.
En outre, depuis juin 2011, les personnes détenues ne sont plus censées posséder en cellule de documents mentionnant le motif d’écrou (infraction), document qui ne peuvent donc en principe être consultés que sur demande auprès du greffe (circulaire DAP du 9 juin 2011 sur la confidentialité des documents personnels des personnes détenues). Ce dernier peut aussi adresser les documents à l’avocat, à sa demande ou à celle du détenu.
La personne qui souhaite obtenir un document communicable doit en faire la demande par écrit auprès de l’administration qui le détient (article L.311-2 du code des relations entre le public et l’administration). Si elle le détient, une administration peut se voir réclamer un document administratif dont elle n’est pas l’auteur. Ainsi, le chef d’établissement est tenu de transmettre une décision de transfert même si elle a été prise par le directeur interrégional ou par le ministre.
Le paiement de frais de reproduction (d’un montant de 18 centimes d’euros par page) et d’envoi peut être demandé au détenu (Arrêté du 1er octobre 2001 relatif aux conditions de fixation et de détermination du montant des frais de copie d’un document administratif).
L’absence de réponse de l’administration à une demande de communication pendant plus d’un mois vaut décision implicite de refus de communication (article R*311-12 du code des relations entre le public et l’administration).
Le demandeur qui s’est heurté à un refus implicite ou explicite doit saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) dans les deux mois suivants ce refus (article R343-1 du code des relations entre le public et l’administration). Cette saisine constitue une étape préalable obligatoire à toute contestation du refus de communication devant le tribunal administratif.
Tout détenu peut correspondre sous pli fermé et confidentiel avec le président de la CADA (article D262 du code de procédure pénale).
La CADA est chargée d’émettre un avis (non impératif) sur le caractère communicable du document, à la suite duquel l’autorité administrative dispose de deux mois pour se prononcer une nouvelle fois sur la demande de communication (article R343-3 du code des relations entre le public et l’administration).
Si l’administration renouvelle son refus ou si elle ne répond pas (ce qui est fréquent), l’intéressé peut saisir le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de la notification du refus, ou bien sans conditions de délai en l’absence de réponse (article R343-4 du code des relations entre le public et l’administration). Sous certaines conditions, l’intéressé peut demander au tribunal administratif d’enjoindre à l’administration de communiquer le document en question (article L.911-1 du Code de justice administrative).
En cas d’urgence, pour obtenir la communication d’un document nécessaire à la poursuite d’une procédure devant une juridiction administrative, et si l’administration n’a pas encore opposé de refus de communiquer le document, il est possible d’exercer un référé « mesures utiles » devant le tribunal administratif (art. L.521-3 du code de justice administrative) pour obtenir du juge qu’il enjoigne en urgence à l’administration de communiquer le document (par exemple, une décision disciplinaire non notifiée au détenu).
Désormais, beaucoup d’informations concernant la personne détenue sont insérées dans un fichier informatisé, dit fichier GIDE. Il recense des « données personnelles » relatives au détenu ou à ses proches, et est à ce titre protégé par les dispositions relatives aux fichiers informatisés de traitement des données.
Les « données personnelles » contenues dans un « traitement de données », c’est-à-dire en général un fichier informatisé (comme le logiciel GIDE contenant notamment le CEL, cahier électronique de liaison), ne sont pas communicables selon la même procédure que la communication des documents administratifs.
Leur communication relève des procédures de consultations des fichiers informatiques prévues par les textes en vigueur sur le traitement GIDE (Décret n° 2011-817 du 6 juillet 2011 portant création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à la gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE) et Circulaire du 14 février 2013 relative à l’accès des personnes détenues aux données contenues dans le traitement GIDE ).
La plupart des informations contenues dans le traitement GIDE sont directement accessibles au détenu. Il doit solliciter l’accès à ces informations auprès du chef d’établissement pénitentiaire (art. 4 du décret du 6 juillet 2011 précité).
Cependant, pour la consultation de certaines informations contenues dans ce fichier, le détenu ne dispose que d’un « droit d’accès indirect » en raison des risques pour la sécurité publique et des personnes que la divulgation de ces informations pourrait faire courir. Pour obtenir la communication de ces informations mentionnées (art. 9 du Décret 2011-817 du 6juillet 2011). La Commission nationale informatique et liberté (CNIL) joue un rôle de filtre dans l’accès aux informations sensibles. Elle consulte le fichier et statue sur l’opportunité de la communication de l’information demandée.
La demande doit être adressée au Président de la CNIL, il suffit d’envoyer un courrier signé en précisant le nom du fichier contenant les informations auxquelles vous souhaitez avoir accès, et la nature de ces informations (par exemple, informations relatives aux extractions). Il est impératif de joindre une photocopie du titre d’identité pour que la demande soit traitée par la CNIL. Comme pour toute demande déposée auprès de l’administration, il est préférable d’envoyer le courrier par lettre recommandé avec avis de réception.
Toute personne qui consulte le fichier GIDE et qui serait amenée à constater une erreur, dispose d’un droit à rectification sur ce fichier. En fonction de la nature de l’information erronée, selon la même distinction que pour la consultation du fichier, il faut demander la rectification du fichier soit au directeur de l’établissement pénitentiaire soit à la CNIL.
Il convient enfin de relever que certaines données contenues dans le logiciel GIDE peuvent être imprimées et transformées en document administratif : c’est le cas des grilles d’évaluation du risque de suicide et de dangerosité du détenu, ou encore de sa « fiche de renseignement », qui contient une partie des informations contenues dans ce logiciel. Ces documents sont donc en principe communicables comme n’importe quel document administratif.
Les «informations à caractère personnel» relatives au détenu ou à ses proches qui sont inscrites au fichier GIDE doivent en principe être effacées dans un délai de 2 ans à compter de la levée d’écrou (article 7 du Décret 2011-817). Au-delà de cette date, il est possible de demander à consulter le fichier afin de vérifier que le chef d’établissement a bien procédé à l’effacement des données personnelles, dans le cas contraire, il est possible de solliciter l’effacement au plus vite.