Un jeune homme de 17 ans est maintenu isolé depuis le 19 avril dans une unité qui n’a jamais été mise en service de l’Établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) d’Orvault (Loire-Atlantique). Son quotidien, privé d’activités et de toute interaction avec d’autres jeunes, s’apparente à celui du régime de l’isolement, pourtant strictement interdit pour les mineurs. Une situation inacceptable qui souligne l’inadaptation des dispositifs actuels à la prise en charge des enfants et adolescents incarcérés.
Incarcéré à l’EPM depuis le 11 mars 2025, Brandon[1] a fait l’objet, à la suite de divers incidents, de plusieurs sanctions de quartier disciplinaire (QD). Si le code de justice pénale des mineurs (CJPM) limite à sept jours « la durée du placement en cellule disciplinaire des mineurs âgés d’au moins seize ans »[2], il aura passé, du fait de ces sanctions successives, 21 jours consécutifs au mitard. Pendant cette période, il n’a pas pu avoir d’entretien avec des éducateurs ou avec la psychologue, ni quitter sa cellule, hormis pour aller en cour de promenade, du fait du refus de l’administration pénitentiaire de l’extraire du QD.
Le 18 avril, au lieu de le raccompagner dans sa cellule, les agents pénitentiaires ont conduit Brandon à l’« unité de vie filles » (UVF), prévue à la conception du bâtiment mais qui n’a jamais été utilisée. Soumis à une gestion individuelle imposant la présence de deux surveillants et d’un gradé pour tout déplacement et pour toute ouverture de sa cellule, l’adolescent n’a de fait pratiquement jamais accès à la salle d’audience, où se déroulent les entretiens éducatifs, et les professionnels qui veulent lui parler doivent se contenter d’un échange de quelques minutes à la porte de sa cellule.
Brandon a bénéficié d’un seul cours individuel et de trois séances de sport dans la semaine du 28 avril. Pour la semaine en cours, à la date du 2 mai, étaient prévues deux séances de sport, ainsi que quatre heures de cours, le tout en individuel et regroupé sur trois journées, les quatre autres étant donc privées de toute activité. Se retrouvant également seul en cour de promenade, Brandon refuserait de s’y rendre. Ne bénéficiant par ailleurs d’aucune visite de proches, il est donc confiné dans sa cellule quasiment 24h/24 depuis 18 jours, après 21 jours d’isolement disciplinaire.
Exerçant son droit de visite parlementaire dans l’EPM le 3 mai, Ségolène Amiot, députée de la 3e circonscription de Loire-Atlantique, s’est vue expliquer par la direction que Brandon était placé à l’UVF en attente de son transfert dans un autre établissement, demandé par l’administration suite à des faits de violence contre le personnel pénitentiaire. Il s’agirait d’isoler l’adolescent, en l’absence de solution alternative, pour éviter la réitération des faits et la confrontation quotidienne avec les surveillants victimes, et pour « protéger l’ensemble de la détention ». Comme les cellules de l’UVF ne sont pas
Cette pratique de mise à l’écart à l’UVF semble récurrente à l’EPM d’Orvault. En avril 2023[3] et en août 2024[4], l’OIP avait fait état de situations semblables d’affectation d’adolescents dans ce bâtiment hors d’usage. Pourtant, comme le précise la circulaire de 2013 sur le régime de détention des mineurs, « aucune mesure d’isolement, qu’elle soit administrative ou judiciaire, ne peut plus être prononcée à l’encontre d’un mineur détenu ». En pratique, la décision concernant Brandon ne fait cependant que pousser à l’extrême un isolement carcéral déjà important, du fait du primat de la logique sécuritaire et de la « superposition des mesures disciplinaires » dans les établissements et quartiers mineurs[5]. Or, l’incarcération, et notamment l’isolement qu’elle représente, a des conséquences délétères sur la santé mentale et physique des enfants et des adolescents[6], qui cumulent les facteurs de fragilité liés à la construction de leur identité et de vulnérabilité familiale, économique et sociale s’agissant des jeunes aux prises avec la justice.
D’après son avocate, Marie-Aude Morice, Brandon a besoin « avant tout [d’]une solution de soins ». En Loire-Atlantique, comme dans la plupart des départements français, aucun dispositif ne semble exister pour assurer une prise en charge des enfants et adolescents que le cadre institutionnel de la prison ne parvient pas à assurer, multipliant les situations de rupture et d’exclusion. L’OIP rappelle néanmoins que la gestion des situations complexes ne peut se faire au mépris du droit des personnes détenues et du droit des enfants, et demande qu’une solution respectueuse de la dignité de Brandon et soucieuse de son intégrité physique et mentale soit envisagée de toute urgence.
Contact presse : Sophie Deschamps – 07 60 49 19 96 – sophie.deschamps@oip.org
[1] Le prénom a été modifié.
[2] Art. R.124-29 du Code de justice pénale des mineurs
[3] Pauline Petitot, « Un mineur isolé six semaines du reste de la détention », Dedans Dehors, avril 2023.
[4] Odile Macchi, « Mineurs incarcérés, mineurs en danger, Dedans Dehors, n° 124, novembre 2024.
[5] Alice Simon, Les effets de l’incarcération sur les mineurs, Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse, septembre 2023.
[6] Alice Simon, Les effets de l’incarcération sur les mineurs, Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse, septembre 2023.