Le droit de visite
Toute personne détenue peut recevoir des visites à certaines heures au parloir de la prison. Il faut néanmoins dans tous les cas que le visiteur obtienne un permis de visite, qui peut toujours être refusé. Les règles varient selon que la personne détenue est prévenue ou définitivement condamnée mais également selon que le visiteur est ou non un membre de la famille, à laquelle le droit de visite est plus facilement accordé.
- Les membres de la famille :
Toute personne détenue, prévenue ou condamnée définitivement, est en droit de recevoir des visites des membres de sa famille. Les membres de la famille sont les personnes justifiant d’un lien de parenté ou d’alliance juridiquement établi avec ou la personne détenue :
– ascendants et descendants (parents et enfants),
– collatéraux (frères et sœurs notamment),
– conjoint pacsé ou marié,
– concubin ; la preuve du concubinage étant rapportée par tous moyens (factures, quittance de loyer, attestation d’un service social ou du service pénitentiaire d’insertion et de probation, etc.)
Peuvent être assimilées aux membres de la famille, les personnes qui, ne justifiant pas d’un lien de parenté ou d’alliance juridiquement établi avec la personnes détenue, attestent d’un projet familial commun avec lui ou elle (par exemple : la personne partageant avec la personne détenue l’autorité parentale sur un enfant mineur, l’enfant mineur ou majeur du conjoint pacsé ou marié dont la personne détenue n’est pas le père ou la mère.
- Les personnes autres que les membres de la famille :
Les personnes justifiant d’un intérêt autre que familial pour visiter une personne détenue peuvent obtenir un permis de visite. Il peut s’agir de proches (amis, etc…) ou de personnes constituant un soutien pour la personne détenue (aide morale, aide à la préparation à la sortie ou à un projet de réinsertion, continuité d’une prise en charge commencée à l’extérieur).
Pour les personnes qui ne sont pas définitivement condamnées, les permis de visite sont délivrés par l’autorité judiciaire et, plus précisément, par « le magistrat saisi du dossier de la procédure » (R.57-8-8 du Code de procédure pénale ; art. D. 51 du Code de procédure pénale). Ce magistrat varie selon la situation dans laquelle se trouve le prévenu.
- Pour visiter un personne détenue prévenue en cas d’ouverture d’une information, il faut adresse sa demande :
– Au juge d’instruction du tribunal de grande instance pendant la durée de l’instruction ;
– Au procureur de la République du tribunal de grande instance après la clôture de l’instruction avec renvoi devant le tribunal correctionnel ;
– Au procureur général de la cour d’appel après la clôture de l’instruction avec renvoi devant la cour d’assises.
- Pour visiter une personne détenue prévenue en l’absence d’ouverture d’une information, il faut adresser sa demande :
– Au procureur de la République du tribunal de grande instance en cas de détention provisoire sur mandat de dépôt du juge des libertés et de la détention dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate devant le tribunal correctionnel ;
– Au président du tribunal correctionnel ayant pris la décision de placement ou de maintien en détention dans le cadre d’une procédure de comparution immédiate.
- Pour visiter une personne détenue qui bien que condamnée est encore détenue sous le régime de la détention provisoire car elle a formé un appel ou un pourvoi en cassation, il faut adresser sa demande :- Au procureur général de la cour d’appel en cas d’appel ;
– Au procureur général de la cour de cassation en cas de pourvoi en cassation.
Le permis de visite pour un prévenu reste valable jusqu’au jugement définitif. Il n’est donc pas nécessaire de procéder à son renouvellement lorsque le magistrat qui l’a accordé change. Le magistrat ultérieurement saisi du dossier de la procédure conserve le pouvoir de supprimer ou de suspendre le permis et peut accorder d’autres permis de visites.
Attention : Lorsque la personne détenue est condamnée définitivement pour une affaire et prévenue pour une autre, les demandes de permis de visite doivent être adressées aux mêmes autorités judiciaires que pour tout prévenu (voir ci-dessus « comment obtenir un permis de visite pour un prévenu ») ( article 145-4 du Code de procédure pénale). C’est en effet la solution retenue par le Conseil d’Etat.
Pour les personnes détenues qui sont définitivement condamnées, les demandes de permis sont à adresser au chef d’établissement pénitentiaire, y compris lorsqu’ils se trouvent hospitalisés en unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI), en unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) ou à l’établissement public de santé national de Fresnes (EPSNF) (article R.57-8-10 alinéa 1 du Code de procédure pénale).
En cas d’hospitalisation d’urgence ou de courte durée au sein de l’hôpital de proximité, d’une unité pour malades difficiles ou dans un hôpital militaire, c’est le préfet qui est compétent pour accorder le permis de visite (préfet de police à Paris) (article R.57-8-10 alinéa 2 du Code de procédure pénale).
Attention : Lorsque la personne détenue est condamnée définitivement pour une affaire et prévenue pour une autre, les demandes de permis de visite doivent être adressées aux mêmes autorités judiciaires que pour tout prévenu (voir ci-dessus « comment obtenir un permis de visite pour un prévenu »)(article 145-4 du Code de procédure pénale). C’est en effet la solution retenue par le Conseil d’Etat.
Pour obtenir un permis de visite, il faut adresser une demande écrite, en joignant au courrier :
deux photos d’identité récentes ;
une photocopie recto verso d’une pièce d’identité en cours de validité comportant des renseignements d’état civil ainsi qu’une photographie (carte nationale d’identité, permis de conduire, titre de séjour, passeport…) ;
une enveloppe timbrée indiquant le nom et l’adresse de la personne sollicitant le permis ;
pour les membres de la famille : la photocopie du livret de famille ou tout autre document permettant de prouver l’existence d’un lien familial.
Pour les personnes qui n’ont pas de lien familial avec la personne détenue toute pièce justificative de ce que votre visite contribue à son insertion sociale ou professionnelle.
Le dossier doit être adressé par la poste au chef d’établissement ou déposé à l’accueil de la prison pour un condamné (rechercher l’adresse d’un établissement pénitentiaire). Pour les prévenus, le dossier peut être déposé à l’accueil du tribunal ou envoyé au secrétariat du magistrat compétent (secrétariat commun de l’instruction, secrétariat du parquet, secrétariat du parquet général). Pour connaître le nom du magistrat, il est possible de se renseigner auprès du service d’insertion et de probation (SPIP) de la prison.
Il est conseillé d’indiquer dans le courrier tous les renseignements de nature à convaincre du bien-fondé de la demande : lien familial ou d’amitié d’une importance particulière, soutien apporté au détenu, absence de lien avec l’infraction, etc. Certains chefs d’établissement demandent aux personnes extérieures à la famille de fournir un extrait du casier judiciaire (bulletin n°2).
Il existe une procédure de demande de permis via Internet . Cette téléprocédure n’est pas applicable aux demandes de permis de visite pour un détenu mineur prévenu en cas d’ouverture d’une information ; pour un détenu prévenu ou accusé au cours du procès devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises; ni pour un détenu condamné définitivement à la suite d’une demande d’extradition ; ni pour un détenu condamné définitivement hospitalisé dans un établissement de santé public.
Dans tous les cas, il est important de garder une preuve (copie) du dépôt de la demande et de sa date, en vue d’un éventuel recours contre un refus de délivrance du permis. Accusé de réception
Tous les enfants, quel que soit leur âge, doivent être titulaires d’un permis de visite.
Une demande doit donc être effectuée pour chaque enfant par le ou les titulaires de l’autorité parentale. Elle doit être accompagnée d’une photographie récente de l’enfant, d’une copie du livret de famille ou d’un extrait de naissance, ainsi que de la liste des accompagnateurs (qui pourra être modifiée par une simple lettre). Une actualisation de la photographie du permis de visite peut être sollicitée par l’administration pénitentiaire pour tenir compte des changements physionomiques.
Les enfants ne peuvent se rendre au parloir qu’accompagnés d’un adulte (personne de plus de 18 ans), qui doit aussi être titulaire d’un permis de visite. Seuls les mineurs de plus de 16 ans peuvent être autorisés à se rendre seuls au parloir, à condition que le détenu visité soit titulaire de l’autorité parentale (ce qui exclut par exemple la possibilité de visiter, sans accompagnant, un frère ou une sœur). Il faut aussi que les autres titulaires de l’autorité donnent leur accord.
Lorsque la personne visitée est prévenue, le magistrat saisi de la procédure, compétent pour fixer les modalités de visite, peut autoriser le mineur à visiter seul un détenu non titulaire de l’autorité parentale.
Si la personne investie du droit de garde empêche un enfant de rendre visite à l’un de ses parents en détention, les conditions d’exercice du droit de visite peuvent être précisées par le juge aux affaires familiales, afin de prévoir des garanties qui satisferont à la fois la personne qui a la garde et le parent détenu.
Dans certaines prisons, des associations proposent de s’occuper de l’accompagnement des enfants mineurs au parloir. Il est possible de s’informer auprès du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) sur les possibilités d’accompagnement proposées au sein de l’établissement.
Pour visiter une personne détenue ayant le statut de prévenu : à défaut de réponse du juge d’instruction ou du procureur de la République à la demande de permis de visite dans un délai de vingt jours, la personne peut également saisir le président de la chambre de l’instruction de cette demande. Ce dernier doit alors se prononcer dans le délai de 5 jours (art. 145-4 du Code de procédure pénale).
Pour visiter une personne détenue définitivement condamnée : la loi ne fixe aucun délai pour la délivrance du permis de visiter une personne condamnée. Seule une circulaire précise qu’« il convient de s’attacher à ce que le permis soit accordé dans un délai maximal de dix jours, sous réserve des contraintes non imputables à l’administration pénitentiaire, telle que notamment la durée de réalisation des enquêtes de police » (Circulaire JUSK1140029C n° 179 du 20 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues par les visites et l’envoi ou la réception d’objets).
En l’absence de réponse pendant plus de deux mois du chef d’établissement, le silence de l’administration équivaut à un « rejet implicite » de la demande de permis de visite. Ce refus peut être contesté en faisant un recours gracieux (auprès du chef d’établissement), un recours hiérarchique (après du directeur interrégional des services pénitentiaires) ou un recours contentieux (devant le tribunal administratif).
Avant d’engager tout recours, il peut être utile de demander par courrier AR au chef d’établissement la communication des motifs du refus implicite de permis de visite. Ce dernier est alors tenu de répondre dans le délai d’un mois. A défaut de communication des motifs dans ce délai, le refus de permis de visite sera regardé comme illégal par le tribunal administratif en cas de recours au motif qu’il méconnaît l’obligation de motivation des décisions administratives (Articles 1 à 4 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public).
L’autorité judiciaire, comme le chef d’établissement, ont la possibilité de solliciter une enquête préalable sur toute personne qui souhaite rendre visite à un détenu, y compris les membres de la famille ce qui, en pratique, allonge le délai de délivrance du permis de visite.
Cette enquête de personnalité est réalisée par les services de police ou de gendarmerie. Elle peut éventuellement donner lieu à une convocation au commissariat de police ou à la gendarmerie, visant à s’assurer de la nature et de l’importance de la relation avec la personne détenue, notamment pour sa réinsertion sociale et professionnelle. Cela peut conduire à retarder la délivrance du permis, l’avis du préfet (consistant généralement en la simple communication des résultats de l’enquête de police ou de gendarmerie) étant parfois rendu au bout de plusieurs mois. Cette enquête est très fréquente quand le demandeur du permis ne fait pas partie de la famille.
Lorsqu’il s’agit d’un membre de la famille, et dans l’attente des conclusions de l’enquête, le chef d’établissement peut délivrer à titre exceptionnel une autorisation provisoire de visite. Il apprécie la situation « au cas par cas » (Circulaire JUSK1140029C n° 179 du 20 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues par les visites et l’envoi ou la réception d’objets).
- La possibilité de visiter une personne détenue prévenue peut être refusée dans des conditions définies par l’article 145-4 du Code de procédure pénale :
– Lorsque la personne mise en examen est placée en détention provisoire, le juge d’instruction peut prescrire à son encontre l’« interdiction de communiquer » pour une période de dix jours. Cette mesure peut être renouvelée pour une nouvelle période de dix jours seulement. Dans ce cas, le détenu ne peut recevoir aucune visite durant toute la période, y compris des membres de sa famille et de ses enfants. Il ne peut pas non plus téléphoner, écrire, recevoir du courrier, ni même communiquer avec d’autres détenus. L’interdiction de communiquer ne s’applique pas à l’avocat de la personne mise en examen.
– A l’expiration d’un délai d’un mois à compter du début de la détention provisoire, le magistrat en charge du dossier ne peut refuser de délivrer un permis de visite que par une décision « écrite et spécialement motivée » au regard des « nécessités de l’instruction », du « maintien du bon ordre et de la sécurité » ou de la « prévention des infractions ». Ce refus doit être notifié par tout moyen et sans délai au demandeur.
- La possibilité de visiter une personne détenue définitivement condamnée ne peut être refusée par le chef d’établissement aux membres de la famille de la personne détenue « que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions » (Article 35 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009). Par exemple, si le visiteur a un « comportement inadapté » ou s’il a déjà tenté d’« introduire irrégulièrement certains objets dans l’établissement » (Circulaire JUSK1140029C n° 179 du 20 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues par les visites et l’envoi ou la réception d’objets).
Pour les personnes qui n’appartiennent pas à la famille de la personne détenue, le chef d’établissement peut également refuser d’accorder le permis « pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions » mais aussi « s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné », toujours en motivant sa décision (Article 35 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009). Doivent alors être pris en compte, selon la circulaire du 20 février 2012, la nature des relations entre le visiteur et le visité, les effets des visites sur la personne détenue (observation de l’état de la personne après le parloir, par exemple), la situation professionnelle du visiteur, son comportement lors des visites, etc.
L’autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs, ou s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d’autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer.
En pratique, le manque de précision de ces différents critères laisse une liberté d’appréciation importante à l’autorité administrative, dont la décision est toutefois susceptible de recours (voir ci-dessous « comment contester un refus de permis de visite ») .
Une note de la Direction de l’administration pénitentiaire du 4 décembre 1998 précise que les mentions portées au casier judiciaire ne doivent pas constituer, à elles seules, un élément justifiant un refus de permis de visite (Note AP du 4 décembre 1998 relative aux enquêtes administratives effectuées par les services de police à la demande de l’autorité préfectorale pour les permis de visite).
Des recours peuvent être engagés contre les décisions de refus, de suspension ou de retrait d’un permis de visite. Ces recours diffèrent selon que la personne détenue a le statut de prévenu ou est définitivement condamnée.
- Contester un refus de permis de visite pour une personne détenue prévenue :
La décision par laquelle le juge d’instruction ou le procureur de la République refuse, suspend ou retire un permis de visite peut être contestée devant le Président de la chambre de l’instruction. Ce dernier peut aussi être saisis si le magistrat saisi de la demande de visa n’a pas répondu à cette demande dans le délai de 20 jours. Le Président de la chambre de l’instruction se prononce dans le délai de 5 jours, par une décision écrite et motivée (art. 145-4 du Code de procédure pénale).
S’il annule la décision de refus, le Président de la chambre de l’instruction délivre lui-même le permis de visite. En cas de confirmation du refus, il n’existe plus aucun recours en droit interne, mais une nouvelle demande de permis pourra être reformulée à tout moment.
- Contester un refus de permis de visite pour une personne définitivement condamnée :
Le refus du chef d’établissement d’accorder un permis de visite peut faire l’objet d’un recours recours administratif ( recours gracieux formé auprès du chef d’établissement ; recours hiérarchique auprès du directeur interrégional des services pénitentiaires) ou d’un recours contentieux devant le tribunal administratif selon les conditions du droit commun (voir la fiche « Saisir le juge administratif »).
Ces deux types de recours peuvent s’appuyer sur le non respect des dispositions de l’article 35 de la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009 : par exemple, il peut être soutenu que la décision de refus n’est pas suffisamment motivée, ou que le motif retenu pour justifier le refus de permis de visite ne fait pas partie de ceux prévu par cet article (« maintien du bon ordre et de la sécurité » ou « prévention des infractions ». Le recours doit également invoquer la violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale.
Un recours devant le juge administratif des référés peut également être exercé pour obtenir la suspension rapide du refus de permis de visite, préalablement ou simultanément au recours pour excès de pouvoir (référé-suspension – art. L. 521-1 du code de justice administrative). En cas d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, telle que le droit à mener une vie familiale normale, un référé-liberté peut aussi être exercé (art. L. 521-2 du code de justice administrative). Tel peut être le cas d’un refus de permis de visite opposé à l’épouse d’un détenu en fin de vie par exemple (TA Melun, 30 octobre 2006, n° 06-7067/2).
Dans tous les cas, la saisine du juge administratif des référés suppose de justifier d’une situation d’urgence (référé-suspension), voire d’extrême urgence (référé-liberté). La condition d’urgence est regardée comme remplit lorsque la décision de refus de permis de visite porte une atteinte grave et immédiate à la situation de la personne détenue et/ou de son visiteur. Il peut s’agir de circonstances particulières telles que l’absence de toute autre visite pour le détenu, associée à un contexte de fragilité psychologique, démontrant l’intérêt ou l’importance d’accorder le droit de visite sollicité.
Dans une ordonnance de référé-suspension rendue en mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a par exemple suspendu le refus de permis de visite opposé à la compagne d’un détenu en fondant l’urgence sur les considération suivantes :
« Considérant que M. X est incarcéré depuis (…) mars 2015 afin de purger une peine de dix-huit mois d’emprisonnement ; que l’intéressé a bénéficié de deux permissions de sortir [en octobre et ,novembre 2015] ; que depuis cette dernière date, Mme Y ne peut correspondre que par écrit avec son compagnon, lequel ne sachant pas écrire doit faire appel à un codétenu pour rédiger les messages adressés à Mme Y ; que la requérante n’a pas d’autres moyens pour entrer en contact avec M. X, les communications téléphoniques n’étant pas possibles ; que si sa date de libération est fixée au 1er juin 2016 dans l’hypothèse où il n’obtiendrait pas de réduction de peine supplémentaire, il résulte toutefois des informations apportées à l’audience que l’intéressé risque de voir sa peine prolongée à la suite d’une nouvelle condamnation intervenant avant le 1er juin 2016 ». Le juge des référés souligne en outre qu’il apparaît « qu’aucune considération sérieuse liée à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes ne serait de nature à justifier la décision contestée, privant ainsi l’intéressée, âgée de 23 ans, de rendre visite à son compagnon, dont elle a fait la connaissance en septembre 2014 et avec lequel elle a un projet de vie ; que, par suite, Mme Y (…) doit être regardée comme justifiant de l’existence d’une situation d’urgence » (TA Lille, 25 mars 2016, Mme Y., n°1601850).
De façon générale, il est fortement conseillé de faire appel à un avocat pour engager un recours contentieux compte tenu de la complexité des procédures.
Dans tous les cas, il est possible de saisir à nouveau le chef d’établissement d’une demande de permis de visite après le rejet d’une première. Le juge de l’application des peines (JAP) peut éventuellement être sollicité pour appuyer la demande, ce dernier pouvant faire part de « ses observations éventuelles » sur les « conditions dans lesquelles les condamnés […] exécutent leurs peines » (Articles D.176 du Code de procédure pénale).
Les textes prévoient que le permis de visite peut être « soit permanent, soit valable pour un nombre limité de visites » (ArticleD.403 du Code de procédure pénale). En pratique, quasiment tous les permis délivrés sont permanents, c’est-à-dire qu’ils sont valables pour un nombre de visites illimité.
Pour les détenus ayant le statut de prévenu, le permis demeure valable jusqu’à la condamnation définitive (Article R.57-8-8 du Code de procédure pénale). En pratique, le même permis de visite peut souvent être utilisé après la condamnation dans tous les établissements dans lesquels le détenu sera éventuellement transféré.
En cas d’hospitalisation du détenu, les permis de visite délivrés demeurent en principe valables (Article D.395 du Code de procédure pénale). Le chef d’établissement est tenu d’assurer « une transmission systématique et immédiate à l’autorité préfectorale des permis de visites délivrés », qui les transmet aux forces de l’ordre chargées d’assurer la garde, assortis des « directives voulues en vue de leur exécution » (Note n° 311 du 5 août 2008 relative à la transmission des permis de visite à l’autorité préfectorale en cas d’hospitalisation d’un détenu). En pratique, il arrive souvent que le préfet n’autorise pas les visites, en restreigne le nombre ou les limite à des cas particuliers (personne en fin de vie, par exemple). Sur décision du médecin, d’autres restrictions peuvent être prises pour des raisons médicales : le médecin peut estimer que l’état de santé de la personne justifie une limitation, voire une absence de visites.
Circulaire JUSK1140029C n° 179 du 20 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues par les visites et l’envoi ou la réception d’objets.
Le permis de visite accordé à une personne peut être suspendu ou retiré, notamment en cas d’incident au cours d’une visite.
- S’agissant des permis de visite délivrés pour les personnes détenues ayant le statut de prévenu :
Ces permis peuvent être « suspendus ou retirés » par le magistrat saisi du dossier de la procédure par une décision écrite et spécialement motivée au regard des « nécessités de l’instruction », du « maintien du bon ordre et de la sécurité » ou de la « prévention des infractions » (art. 145-4 du Code de procédure pénale et article R.57-8-8 du Code de procédure pénale).
En pratique, la suspension ou le retrait interviennent le plus fréquemment à l’issue d’un incident lors de l’accès au parloir ou du déroulement d’une visite. Dans ce cas, l’administration pénitentiaire suspend le permis de visite à titre conservatoire. Elle en informe le visiteur par courrier et adresse à l’autorité judiciaire les éléments relatifs à l’incident en lui demandant la suspension ou le retrait du permis (Article R.57-8-15 du Code de procédure pénale). L’autorité judiciaire apprécie alors s’il y a lieu ou non de suspendre ou retirer le permis de visite. La décision doit être notifiée au titulaire du permis de visite dans les plus brefs délais. En cas de suspension ou de retrait du permis de visite il est possible de saisir le président de la chambre de l’instruction qui statuera dans un délai de 5 jours (Art. R. 57-8-8 et 145-4 du code de procédure pénale).
Le magistrat compétent pour suspendre ou retirer le permis n’est pas tenu de respecter de « procédure contradictoire », ce qui signifie que les familles et proches ne sont jamais entendus avant la décision pour présenter leurs observations sur les faits qui leur sont reprochés.
- S’agissant des permis de visite délivrés pour les personnes définitivement condamnées :
La décision de suspension ou de retrait du permis de visiter un détenu condamné peut être prise par le chef d’établissement (Article R.57-8-10 du Code de procédure pénale).
Pour les membres de la famille, le permis de visite ne peut être suspendu ou retiré que pour des motifs « liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions ». Pour les autres personnes, une décision de suspension ou de retrait peut être prise pour les même motifs ainsi que « s’il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné » (Article 35 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009).
Lorsque le chef d’établissement envisage de prendre une telle décision, il doit suivre une procédure du contradictoire (Circulaire du 9 mai 2003 relative à l’application pour l’administration pénitentiaire de l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations). Pour cela, il doit informer le titulaire du permis de la décision envisagée, des raisons de cette décision et lui proposer de recueillir son avis (généralement par courrier). Il est conseillé de demander une copie du dossier (en général, le compte rendu d’incident dressé par le surveillant et parfois un ou plusieurs témoignages) avant de présenter ses observations. L’assistance d’un avocat est possible pour cette procédure contradictoire, mais elle n’est pas prises en charge par l’aide juridictionnelle.
Le chef d’établissement peut décider de suspendre le permis « à titre conservatoire », dans l’attente de sa décision définitive. La suspension à titre conservatoire du permis ne doit pas en principe se prolonger dans le temps, et la procédure contradictoire doit être rapidement mise en place. Ce qui n’est pas toujours le cas en pratique. Il arrive en effet que la suspension conservatoire du permis dure plusieurs semaines, pendant lesquelles le visiteur ne sera pas autorisé à rencontrer le détenu.
Une fois la procédure contradictoire respectée, le chef d’établissement prend sa décision définitive. Cette dernière, qui doit être motivée, est notifiée par courrier à la personne concernée (Circulaire du 9 mai 2003 relative à l’application pour l’administration pénitentiaire de l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations).
La suspension ou le retrait d’un permis de visite peut faire l’objet d’un recours dans les mêmes conditions que s’il s’agissait d’un refus de délivrance (voir ci-dessus la question « Comment contester un refus de permis de visite ? »).
S’agissant des mesures de suspension ou de retrait d’un permis de visite décidées par le chef d’établissement, plus arguments peuvent être soulevé pour solliciter et obtenir leur annulation par le juge administratif, tels que par exemple :
- le vice de procédure, lorsque la décision de suspension ou de retrait n’a pas été précédée d’une procédure contradictoire (CE, 13 févr. 2002, Aït Teleb, n° 221913) ;
- L’incompétence de l’auteur de la décision, lorsqu’il n’est pas possible d’identifier qui a signé la décision de suspension du permis de visite (TA Amiens, 27 sept. 2016, n°1403550)
- l’erreur sur la matérialité des faits, lorsque les faits reprochés à la personne détenue ou à son visiteur ne se sont pas produits (CAA Lyon, 5 mai 2011, n° 11LY00515) ;
- le caractère disproportionné de la décision de suspension ou de retrait du permis de visite au regard des faits reprochés à la personne détenue ou à son visiteur (dans le cas d’un retrait définitif du permis de visite : CAA Marseille, 14 octobre 2010, n°09MA00826)
Une procédure de référé peut être engagée pour obtenir la suspension à brefs délais de la décision de l’administration de suspendre ou de retirer le permis de visite, sous réserve de démontrer qu’il existe une situation d’urgence (voir ci-dessus la question « Comment contester un refus de permis de visite »).
Le permis de visite a « force obligatoire » et le chef d’établissement est tenu d’accorder un parloir à toute personne titulaire d’un permis de visite. Néanmoins, certaines situations exceptionnelles peuvent justifier un refus d’accès au parloir. Dans ce cas, le directeur est obligé d’avertir l’autorité judiciaire qui a délivré le permis de visite lorsque la personne détenue a le statut de prévenu (Article R.57-8-11 du Code de procédure pénale).
L’impossibilité d’accéder au parloir peut être matérielle, lorsqu’elle a pour origine un sinistre ou un mouvement collectif de personnels bloquant l’entrée des parloirs empêchant de se rendre au parloir. L’absence de parloir peut aussi résulter d’une impossibilité matérielle pour le détenu de se rendre au parloir lorsqu’il est par exemple hospitalisé, placé en cellule disciplinaire, ou lorsqu’il a été transféré. Dans ce type de situations, l’établissement pénitentiaire doit en principe avertir les visiteurs de l’annulation du parloir dans les plus brefs délais « afin d’éviter des déplacements inutiles, sources de frustration et de mécontentement » (Circulaire du 9 mai 2003 relative à l’application pour l’administration pénitentiaire de l’article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations). En pratique, il arrive que des visiteurs ne soient pas prévenus avant la visite et se déplacent pour rien jusqu’à la prison.
Le refus de la part du visiteur de se soumettre aux contrôles préalables de sécurité, ou le déclenchement répété du portique de sécurité au passage du visiteur, peuvent également conduire à l’annulation du parloir. Si le visiteur arrive en retard, même de quelques minutes, son parloir est le plus souvent annulé.