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Les effets souvent inavoués du manque d’intimité en prison

En maison d’arrêt, la promiscuité et le manque d’intimité engendrés par la suroccupation des établissements peuvent avoir des conséquences dramatiques sur la santé des personnes détenues. Contraintes de vivre à deux, trois voire quatre dans des cellules de 9m², avec des toilettes pas ou mal cloisonnées, elles sont parfois victimes de problèmes de transit rarement avoués. Témoignage.

« J’ai été placé en détention provisoire. J’ai passé une première semaine au quartier arrivants. Pas de problème important relevé, si ce n’est la promenade proposée, une heure par jour seulement, au dernier étage de la prison, dans une sorte de cour bétonnée et grillagée. Puis j’ai été déplacé au quartier dit “protégé”, dans une cellule avec un autre détenu. La cellule était très petite pour deux, entraînant une promiscuité très importante, et profondément indigne : manque d’intimité, mauvaise aération des toilettes, manque de lumière naturelle, présence d’amiante, manque d’hygiène du codétenu… Les toilettes de la cellule étaient fermées par de simples cloisons de bois d’environ un centimètre d’épaisseur seulement, laissant passer les mauvaises odeurs et les bruits gênants.

C’est au bout d’un mois que j’ai eu mon premier problème de santé. Cela faisait plusieurs jours que je n’arrivais plus à évacuer et que j’avais de plus en plus mal au ventre. J’ai commencé à avoir des spasmes, à trembler, à saigner, j’avais très peur. J’ai finalement pu voir une infirmière, qui m’a renvoyé en cellule avec de la paraffine à avaler. La suite a été traumatisante : j’ai passé presque tout l’après-midi sur les toilettes, les douleurs étaient terribles et la situation humiliante et dégradante du fait de la présence de mon codétenu.

Cela faisait plusieurs jours que je n’arrivais plus à évacuer et que j’avais de plus en plus mal au ventre. J’ai commencé à avoir des spasmes, à trembler, à saigner, j’avais très peur.

Les jours suivants, j’ai pu voir un médecin qui m’a prescrit un traitement, j’ai aussi pu voir une diététicienne, une infirmière et un psychologue, mais tout cela a eu peu de résultats. J’ai eu d’autres crises, tous les six à neuf jours environ, où je passais parfois trois ou quatre heures sur les toilettes, bloqué par la promiscuité et le manque d’intimité. Je continuais à avoir des douleurs au ventre et d’autres désagréments quasi tous les jours, ce qui limitait mes activités en cellule et plus encore en dehors (sport, promenade et ateliers). Pour pouvoir aller au parloir sans trop de contraintes digestives, je ne m’alimentais plus quelques jours avant pour éviter d’avoir une crise le jour J.

Ne pouvant pas obtenir d’être seul en cellule à cause de la surpopulation, j’ai demandé à être placé à l’isolement, avec à l’appui un mot du médecin expliquant que ma situation était majorée par le manque d’intimité. J’ai bien été changé de cellule, mais je me suis retrouvé cette fois-ci avec deux, et au bout de quelques semaines trois codétenus, toujours dans une cellule de 9m². Après une grève de la faim, j’ai fini par réintégrer mon ancienne cellule, mais avec un nouveau codétenu. Et après des semaines d’attente et de relance, j’ai pu revoir le médecin, qui m’a prescrit le même traitement. Cela fait cinq mois que j’ai un traitement inadapté et inefficace. »