« En prison, il y a des détenus qui travaillent. Il n’y a pas de droit du travail », relevaient en 2015 plus de 400 universitaires mobilisés sur le sujet. La réforme du travail en détention, dont une partie entre en vigueur ce 1er mai, entérine un certain nombre d’avancées, mais échoue malheureusement à renverser ce paradigme.
En ce jour de lutte pour les droits des travailleurs, les nouvelles dispositions légales sur le travail en prison – une réforme attendue et saluée – entrent en vigueur[1]. Mais, dans un environnement où les personnes incarcérées bénéficiant d’un travail sont encore aujourd’hui soumises à une rémunération indécente, à la privation de protection sociale, aux aléas de l’offre de travail et à l’appréciation discrétionnaire de l’administration pénitentiaire, les avancées restent timides. Si le décret instaure un « contrat d’emploi pénitentiaire » et encadre les modalités d’accès au travail, de suspension et de rupture du contrat, le droit du travail qui existe hors les murs ne s’appliquera toujours pas entre les murs des prisons.
Près de 20 000 personnes travaillent et travailleront encore sous un régime dérogatoire. Les nouvelles dispositions maintiennent en effet un déséquilibre démesuré entre les obligations du donneur d’ordre et les contraintes qui pèsent sur les personnes détenues, et consacrent la flexibilité du travail pour s’adapter au plus près des besoins des concessionnaires – les « employeurs » privés en prison. Enfin, la rémunération horaire minimale est inchangée : une rémunération indécente qui varie entre 20 et 45% du Smic – soit entre 2,11 et 4,76 euros de l’heure – et côtoie toujours dans les faits une rémunération à la pièce pourtant illégale depuis 2009.
L’ouverture de droits sociaux, principale innovation de la réforme, consacre un progrès bienvenu. Il faudra cependant attendre l’entrée en vigueur début 2023 de l’ordonnance qui en définira les contours – encore flous à ce jour – pour en mesurer la portée, qui dépendra grandement des modalités de calcul et d’acquisition des prestations sociales. Les personnes détenues resteront en outre exclues de certaines protections, comme l’indemnisation en cas de maladie non professionnelle, sans que les contraintes liées à la détention ne puissent l’expliquer.
Enfin, nos organisations n’auront de cesse de revendiquer la reconnaissance des droits collectifs aux travailleuses et travailleurs détenus. Au premier rang desquels figurent les droits syndicaux, le droit de grève et celui d’être représentés en matière de santé et de sécurité au travail. À l’extérieur, ces droits ont été acquis grâce à l’expression d’une parole collective. En prison, les travailleuses et travailleurs sont, aujourd’hui encore, privés des uns comme de l’autre.
Contact presse : Pauline De Smet · 07 60 49 19 96
Signataires : A3D (Association des Avocats pour la défense des droits des détenus) ; Adap (Association des avocats pénalistes) ; Anjap (Association nationale des juges de l’application des peines) ; Arapej 41 (Association réflexion action prison et justice-Loir-et-Cher) ; ASPMP (Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire) ; Association des anciens du Genepi ; Auxilia ; Ban Public ; Casp-Arapej (Centre d’action sociale protestant – Association réflexion action prison et justice) ; CGT Insertion-Probation ; La Cimade ; Citoyens & Justice ; Clip ; Courrier de Bovet ; Emmaüs France ; Farapej (Fédération des associations réflexion action prison et justice) ; Fas (Fédération des acteurs de la solidarité) ; LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; OIP-SF (Observatoire international des prisons-section française) ; Saf (Syndicat des avocats de France) ; SM (Syndicat de la magistrature) ; Snepap/FSU (Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire) ; SNPES-PJJ/FSU (Syndicat national des personnels de l’éducation surveillée – Protection judiciaire de la jeunesse).
[1] Loi du 22 décembre 2021 dite « pour la confiance dans l’institution judiciaire ».
[Mis à jour le 15 juin 2022.]