Ce 28 mai 2014, Souad Y. a adressé à la Garde des Sceaux une demande de réparation pour le préjudice causé par le décès de son frère en détention. En parallèle, son avocat demande la réouverture de l'instruction concernant la plainte que sa cliente avait déposée pour « non-assistance à personne en danger » et « mise en danger de la vie d'autrui », classée sans suite. Près de quatre ans de bataille judiciaire pendant lesquelles Souad n'a cessé de pointer les dysfonctionnements dans la prise en charge de son frère, profondément dépressif, décédé le 27 août 2010 à l'hôpital de Maubeuge après une ultime tentative de suicide.
Incarcéré en novembre 2009, Malek Y. souffrait d’une fragilité psychique extrême. Pendant les sept mois de sa détention, il n’a eu de cesse de tenter de se donner la mort : au total, pas moins de 10 tentatives de suicides ont été consignées par l’administration pénitentiaire.
Alertée par son amaigrissement et la dégradation inquiétante de son état psychique, sa famille a sollicité à plusieurs reprises des autorités pénitentiaires et judiciaires qu’il soit pris en charge « dans un établissement de santé pénitentiaire afin de le protéger contre lui même ».
Uue prise en charge psychiatrique et pénitentiaire inadaptée
L’administration pénitentiaire s’est contentée d’une surveillance renforcée, notamment en affectant dans la cellule de Malek son frère, détenu dans le même établissement, chargé de le soutenir et de veiller sur lui. Une lourde responsabilité pour ce dernier qui n’a bénéficié d’aucun accompagnement et qui a lui-même été diagnostiqué comme souffrant de troubles psychiatriques.
En dépit de la circulaire du 29 mai 1998 relative à la prévention du suicide qui préconise de « restaurer [le détenu] dans sa dimension de sujet et d’acteur de vie » plutôt que de le contraindre « à ne pas mourir », Malek a par ailleurs été maintenu dans un régime de détention limitant les contacts avec l’extérieur et l’accès aux activités, et n’a bénéficié que d’une consultation psychiatrique par mois faute de médecin spécialisé. Il lui a en revanche été prescrit un traitement médicamenteux lourd, qu’il lui arrivait de s’autoadministrer sans contrôle suffisant, y compris pour tenter de mettre fin à ses jours.
Après deux nouvelles tentatives de suicide les 14 et 15 juin 2010, le service médical s’est décidé à demander son hospitalisation d’office. Mais malgré l’urgence de la situation, Malek n’a été amené à l’hôpital que le lendemain, 16 juin, en début d’après midi. Peu avant, il a ingurgité une forte dose de médicaments. La prison en a été informée par la famille et confirme avoir « reçu deux appels émanant de sa femme », précisant « qu’il l’aurait appelée pour lui faire part de son intention de se suicider en absorbant des cachets » et « l’aurait rappelée quelques minutes plus tard, mais il ne parlait plus ». Mais cette information n’aurait pas été transmise aux services médicaux. Alors que Malek est somnolent lorsqu’il est admis à l’hôpital et ne se réveille pas dans les heures qui suivent, aucun bilan sanguin n’est effectué pour tenter d’expliquer son état.
Placé sous contention en chambre d’isolement, il est retrouvé en arrêt cardio-respiratoire à 20h30 puis sombre dans le coma. Il décédera deux mois plus tard. Le rapport du médecin légiste établira que le décès de Malek Y. trouve son origine « dans une prise en quantité de tranquillisants », qui n’a donc jamais été prise en charge.
Une enquête incomplète
Pointant les défaillances de l’administration pénitentiaire comme celles de l’hôpital, la soeur de Malek, Souad, a porté plainte dès le 25 juin 2010. Sans nouvelles de la justice, elle a fini par apprendre, trois ans plus tard et après de multiples relances, que la plainte a été classée sans suite et que ni le personnel de surveillance, ni le personnel médical, ni le frère codétenu – potentiel témoin de la tentative de suicide de Malek – n’ont été auditionnés par le juge d’instruction. Par ailleurs, l’accès au rapport d’une enquête réalisée par l’Agence régionale de santé lui est refusé au motif qu’elle n’est pas l’héritière effective du défunt.
Le seul espoir, pour Souad, de pouvoir accéder à toutes les informations concernant le décès de son frère et d’obtenir justice réside désormais dans la réouverture de l’instruction en raison du caractère incomplet de l’enquête, ce que demande aujourd’hui son avocat.
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