Depuis plusieurs mois, un tiers des agents pénitentiaires est en arrêt à l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) du Rhône – « pour raison médicale », selon la Direction interrégionale des services pénitentiaires (Disp) de Lyon. En conséquence, les jeunes passent de plus en plus de journées confinés dans leur cellule, hormis pendant l’heure de promenade, quelques séances de sport et pour se rendre aux parloirs lorsqu’ils reçoivent de la visite. En juin, d’après des agents de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), pas moins de trois jours par semaine se sont déroulés ainsi.
Les surveillants présents remplacent leurs collègues en passant d’une unité de vie à l’autre pour distribuer les repas et surveiller la promenade, mais ils manquent de temps pour accompagner les jeunes au pôle socio-éducatif, où se déroulent en principe les cours, entretiens et autres activités avec les éducateurs de la PJJ. Si la Disp affirme que les services compétents « s’assurent du maintien des activités du pôle socio-éducatif » et que « des solutions sont systématiquement envisagées lorsque ce pôle ne peut pas maintenir une activité normale », les professionnels sur place constatent que ces adaptations ne permettent pas le maintien des activités pour le plus grand nombre.
En l’absence de mouvement des groupes vers le pôle socio-éducatif, ce sont les professeurs qui se déplacent dans les unités de vie pour faire cours à un petit nombre de jeunes, mais la plupart sont de fait exclus du système scolaire. Quant à l’équipe d’éducateurs, elle tente tant bien que mal de mettre en place des activités et de poursuivre le suivi individuel des jeunes, tout en laissant la priorité aux interventions scolaires, ce qui ne laisse qu’une capacité d’action très réduite. Malgré l’aide des surveillants, qui « font le maximum pour assurer le quotidien », les professionnels subissent ainsi une mise en concurrence de fait entre les cours, les entretiens psychologiques et les autres activités éducatives.
Face à ce non-respect des droits à l’éducation et à la formation, et en dépit de l’obligation scolaire faite aux enfants de moins de 16 ans, de nombreux jeunes voient leurs projets éducatifs et leur préparation à la sortie mis à mal. Ceux qui étaient inscrits à des examens ne reçoivent pas la préparation nécessaire, et tous se retrouvent démunis et démobilisés face à des emplois du temps erratiques et vidés d’une bonne partie de leur contenu. « L’impact, on l’observe au quotidien, déplore une éducatrice. On n’a plus rien à leur proposer, alors ils s’habituent à ne rien faire. Je devais voir deux jeunes ce matin, ils étaient volontaires au départ, mais je n’ai pas réussi à les mobiliser, la dynamique a été complètement cassée. » « On perd toute crédibilité, abonde une autre. Comment leur demander de se raccrocher à quelque chose alors qu’on leur supprime sans arrêt leurs cours, leurs activités, leurs entretiens ? »
Si la Disp de Lyon assure rechercher des solutions en termes de ressources humaines, cette situation n’en perdure pas moins depuis le mois de février au moins, au détriment d’un travail socio-éducatif déterminant pour préparer la sortie des jeunes incarcérés.
Par Odile Macchi