Le 21 janvier, au centre pénitentiaire de Seine-Saint-Denis, un jeune homme de 17 ans a subi une fouille intégrale, alors qu’il sortait d’un entretien au parloir avec une psychologue de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Cette fouille n’a pas été tracée dans le logiciel de suivi de l’administration pénitentiaire, et apparaît comme une sanction déguisée envers le jeune, hors de tout cadre légal.
À sa sortie du parloir avocat avec la psychologue de la PJJ qui le suit, dans l’après-midi du 21 janvier 2025, Hassan[1] est conduit directement en salle de fouille par le surveillant qui le raccompagne en détention. L’agent lui demande alors de se déshabiller. Le jeune proteste : « Vous cherchez quoi ? Vous voulez que je cache quoi ? J’étais en entretien avec la psy ! » Sa psychologue, Julie H., élue SNPES-PJJ/FSU, conteste, elle aussi, une décision qui vient mettre en doute sa probité professionnelle. Mais rien n’y fait : Hassan est contraint de se dévêtir pour subir une fouille à nu.
Cette fouille semble avoir été pratiquée en dehors de tout cadre légal. Elle n’a fait l’objet d’aucune trace écrite, alors que la circulaire du 15 juillet 2020 relative aux fouilles précise qu’une décision écrite et motivée « est toujours nécessaire ». En cas d’urgence, la décision « peut être orale », mais doit « être retranscrite ultérieurement, pour en assurer la traçabilité »[2]. Or, d’après une source pénitentiaire et jusqu’à ce jour, aucune décision n’a été portée au dossier d’Hassan. Par ailleurs, une fouille à nu ne peut être pratiquée sur une personne détenue que si elle est absolument nécessaire pour des motifs, s’appuyant sur des risques concrets concernant « la présomption d’une infraction », « la sécurité des personnes », « le maintien du bon ordre », des soupçons d’évasion ou d’« introduction au sein de l’établissement pénitentiaire d’objets » interdits ou dangereux. Or Hassan n’avait pas quitté l’établissement et sortait d’un entretien qui, d’après le témoignage de Julie H., s’était « très bien passé » : on voit donc mal sur quels faits pouvaient s’appuyer de tels soupçons.
Le récit de la psychologue fait bien plus apparaître la fouille comme une sanction déguisée de la part d’un surveillant que comme une mesure de sécurité. À l’arrivée de la professionnelle, le service est manifestement désorganisé : « Le surveillant était clairement dépassé par le nombre de personnes à gérer, il m’a dit que ce n’était pas son poste habituel et de fait, il avait un uniforme inhabituel. Pendant que j’attendais, il a d’ailleurs fait entrer un détenu majeur dans mon box, pensant que j’étais son avocate », précise Julie H. Après cinquante minutes d’attente, l’entretien a finalement lieu, mais il est écourté parce que la psychologue doit se rendre à un autre entretien à l’extérieur. Il faudra pourtant encore dix minutes et cinq sollicitations pour que le surveillant vienne ouvrir la porte du parloir. Hassan lui lance alors : « C’est pas trop tôt ! » puis il garde le silence, suivant les paroles d’apaisement de Julie H., tout en continuant à soutenir le regard du surveillant. Ce dernier fait plusieurs remarques à l’adolescent, puis le menace : « Tu feras moins le malin quand j’aurai saccagé ta cellule ! » C’est alors qu’il conduit Hassan à la salle de fouille, malgré les protestations de Julie H. La psychologue, « sidérée et très inquiète » pour le jeune, est contrainte de quitter les lieux par un autre surveillant, qui « portait un cache-cou sur la moitié du visage et se tenait devant moi, ne me laissant qu’une issue possible ».
Contactée, la Direction de l’administration pénitentiaire n’a pas répondu à la demande d’informations de l’Observatoire international des prisons (OIP). L’association sera d’autant plus vigilante aux suites données à cette affaire que les adolescents sont particulièrement vulnérables aux abus de pouvoir et peinent à faire valoir leurs droits, étant peu aguerris aux démarches juridiques et ne bénéficiant pas toujours d’un entourage à même de les accompagner.
Contact presse : Sophie Deschamps – 07 60 49 19 96
[1] Le prénom a été modifié.
[2] Circulaire JUSK2017670C relative aux fouilles de personnes détenues en application notamment de l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.