Incarcéré au Camp-Est depuis juillet 2024, Steve* est passé par quatre cellules successives. Vétusté, surpopulation, infestation de nuisibles : il dépeint en détail ses conditions de détention.
« Je suis rentré dans cette cellule fin août, c’était la quatrième fois que j’en changeais en un peu plus d’un mois. Cette fois, c’est un container maritime prévu pour deux, mais nous sommes quatre. Il y a constamment deux matelas par terre, ce qui prend de l’espace jusqu’à l’entrée des WC. Moi-même, je dors au sol.
Que ce soit en quartier maison d’arrêt ou centre de détention, j’ai toujours été dans des cellules crades et surpeuplées : dans la première, on était cinq détenus dans cinq mètres sur trois. Presque tout était défectueux, même l’aération était mauvaise.
Dans ma deuxième cellule, on était quatre voire parfois cinq. On était face à un mur, il n’y avait aucune lumière naturelle. Dans la troisième, on était trois dans une cellule pour deux, on se sentait étouffé. L’interrupteur était cassé, on pouvait attraper des coups de jus et on baignait dans le noir total. Les éviers étaient bouchés dans une cellule sur deux.
Rouille, souris et odeurs nauséabondes
Ma cellule actuelle est rénovée mais il y a toujours un manque de propreté, la table est taguée, les murs sont infestés de rouille, notamment ceux des toilettes. On peut y retrouver des souris qu’on doit tuer nous-mêmes, des fourmis, des grosses mouches et des cafards, sans parler des moustiques. Je trouve cela répugnant. Dans ma troisième cellule, les rongeurs essayaient de grignoter le pain dans nos pochons. La lutte contre les nuisibles est inefficace, ils restent présents au quotidien.
L’aération des toilettes est trop haute et petite. Les WC sont séparés du reste de la cellule par un muret qui se situe à deux mètres de l’espace dédié à se nourrir. Je trouve cela écœurant de manger en sentant l’odeur des excréments. La douche n’offre pas d’intimité non plus : on ne peut pas faire sa toilette sans être observé.
Les carreaux de la fenêtre sont trop petits, on ne peut pas les nettoyer donc ils s’encrassent rapidement. Les grilles sont répugnantes (crachat sec, nourriture, crasse…). Au moins les lumières marchent, sauf la principale. Dans ma cellule précédente, c’était l’inverse, seule une lumière fonctionnait sur un lit. On n’a qu’un seul ventilateur. Quand il tombe en panne, on doit voir avec les chefs pour le remplacer, mais il faut parfois attendre plus d’une semaine.
Il y a toujours du bruit : les radios qui restent actives toute la nuit, les gardiens qui nous réveillent de bonne heure, sans compter les cris des codétenus. Il y a l’odeur des toilettes, de la cellule et la poussière, qui imprègnent chaque cellule.
Avec tout ça, j’ai remarqué sur mon corps la multiplication de boutons dû à la saleté. On ne peut pas toujours nettoyer complètement notre cellule car il n’y a qu’un balai. Il manque une balayette, de la lessive, du savon, un seau… donc on balaye tout le temps pour éviter d’encrasser notre espace de vie.
« Les personnes s’assombrissent »
Certains repas sont trop petits pour nous rassasier, voire carrément dégoûtants : présence de poils, maux de ventre, viande mal cuite, entrées qui manquent de goût, on dirait de la nourriture pour chien parfois… D’autres sont plus appétissants.
Les parties communes présentent les mêmes problèmes que les cellules : on peut nous observer dans les douches, les cours de promenades ne sont pas propres… On n’a d’ailleurs qu’une heure de promenade par jour. Il y a tout le temps des bagarres. Les cachets sont une des sources principales d’insécurité en prison, les personnes s’assombrissent. Dans les parloirs, on ne s’entend pas, car ce sont des petites structures qui nous « séparent ». À chaque parloir ou extraction, je subis des fouilles à nu.
Ici, les conditions sont contraires à la dignité humaine car ce n’est pas un lieu propre et vivable. On nous entasse comme du bétail. Ces conditions de détention sont humiliantes pour ma vie et ma dignité en tant qu’être humain. »
Propos recueilli par Laura G.
Cet article est paru dans la revue de l’Observatoire international des prisons – DEDANS DEHORS n°125 – Kanaky – Nouvelle-Calédonie : dans l’ombre de la prison