Être trois en cellule, vous voulez savoir ce que c’est ?
Déjà, […] c’est un climat lourd, pesant, malsain… Un état de vigilance accrue, d’hypervigilance. Le moindre truc, le moindre incident, c’est le chaos…
[Être] à trois, on ne le choisit pas, on nous l’impose. Vous vous opposez, vous refusez, c’est le QD [quartier disciplinaire]. Et figurez-vous que certains préfèrent. Préférer le QD, la pire sanction disciplinaire, à être trois en cellule…
À trois, on vous enlève un peu plus votre dignité, votre humanité.
À trois dans 9m2 – avec le linge de chacun, les deux armoires, deux chaises, deux tables, une télé, une voire deux plaques [de cuisson]. Et les punaises de lit. Et trois douches par semaine, une douche de moins de sept minutes, mouvements compris, aller-retour.
Trois en cellule, c’est la loi du plus fort.
Le plus fort, c’est le lit du bas : ses mouvements à lui sont moins restreints. Le deuxième, c’est le lit du haut : lui bouge moins mais il est moins embêté, moins gêné par les autres. Le matelas au sol, le pauvre, il a la vie dure : il se couche le dernier et se lève le premier… Il est sans cesse piétiné par les autres, assis sur une chaise H24.
Ah oui, à trois oubliez l’intimité, oubliez la religion, la prière, oubliez Dieu. Ou priez dans ces conditions. Mais Dieu, c’est ça qui permet de tenir, de ne pas se laisser mourir… Eh bien à trois, c’est quasi impossible.
Si vous appelez un membre de votre famille, cela devient une conversation de groupe, aucune confidentialité, alors si c’est la petite amie je n’en parle même pas, oubliez… Du coup, on s’isole davantage.
Je vais terminer par une anecdote : mes voisins « blancs », bien élevés, bien sous tous rapports, pleins de préjugés sur les prisonniers, du genre « Ils sont au Club Med les détenus, nos parents sont moins bien traités… » [Leur] petit dernier a atterri ici pour différents délits. Aujourd’hui [ma voisine] pleure à chaque parloir et s’engueule avec le surveillant : « Comment on peut laisser ainsi des êtres humains ? »
Par F. F.
Cet article est paru dans la revue de l’Observatoire international des prisons – DEDANS DEHORS n°126 – Surpopulation carcérale : les personnes détenues prennent la parole