Alors que la France a connu un premier épisode caniculaire fin juin – deuxième mois le plus chaud jamais enregistré après juin 2003 – les conditions de détention, déjà régulièrement jugées indignes par les juridictions nationales et internationales[1], deviennent invivables dans les prisons françaises.
Dans des établissements souvent vétustes, surpeuplés, mal isolés dépourvus de végétation, les personnes détenues suffoquent littéralement.
Les cours de promenade entièrement bétonnées, sans aucune végétation pour faire baisser la température et sans ombre, deviennent impraticables en journée : « les murs retiennent la chaleur, on étouffe. […] On ne sort presque plus en promenade, pas parce qu’on n’en a pas besoin, mais parce qu’on a peur de s’écrouler sous le soleil. » témoignait une personne détenue à la permanence téléphonique de l’Observatoire international des prisons (OIP) le 2 juillet.
Quelques jours avant l’épisode caniculaire, la direction de l’administration pénitentiaire diffusait une note relative à la gestion sanitaire des vagues de chaleur en France métropolitaine[2]. Mais, à l’instar de celle de 2023, elle se limite à des recommandations, dont la mise en œuvre se heurte à des contraintes structurelles et humaines majeures, dans un contexte carcéral où l’administration déplore un déficit de plusieurs milliers de surveillants. « Il faudrait tout réorganiser en termes de sécurité, le soir nous n’avons pas suffisamment de surveillants » soulignait Paloma Casado-Torres, directrice de la maison d’arrêt d’Angers[3].
Par exemple, bien que la note recommande l’accès facilité aux douches et l’aménagement des horaires de promenade pour éviter les pics de chaleur entre 14 h et 16 h, ces mesures restent conditionnées aux emplois du temps, à la configuration des locaux et à un ratio personnel-détenus rarement respecté. Résultat : dans la majorité des établissements, l’organisation quotidienne reste inchangée malgré la chaleur écrasante et ses conséquences dramatiques. « Les promenades sont de 14h30 à 16h30 comme d’habitude, et il n’y a pas du tout d’ombre dans la cour. En plus, il n’y a qu’un robinet pour 40 à 60 personnes», déplore une personne incarcérée à la maison d’arrêt du Val d’Oise, qui précise que la fréquence des douches n’a pas changé – 3 par semaine – et que malgré les alertes à la direction, l’eau reste très chaude.
Face à cette situation, le gouvernement poursuit néanmoins sa politique de construction de nouvelles places de prison, sans remise en question du modèle carcéral dominant ni prise en compte de l’urgence climatique. Le « plan 15 000 » visant à construire de nouvelles places de prison, via des bâtiments en béton préfabriqué, multiplie les infrastructures mal isolées, dépourvues de végétation et sans ventilation naturelle : des constructions transformées en fours l’été et en passoires thermiques l’hiver.
Pire encore, la rénovation du parc pénitentiaire existant reste largement reléguée au second plan des priorités politiques, avec un budget qui fait pâle figure face aux milliards d’euros engagés pour construire de nouvelles places, alors que la vétusté des établissements aggrave considérablement les effets des températures extrêmes.
Un rapport de Notre Affaire à Tous[4] , publié en juillet 2024, révélait déjà l’absence totale de politique publique intégrant les enjeux climatiques dans la construction ou la rénovation des établissements pénitentiaires. Ce constat alarmant reste ignoré, alors que les solutions concrètes, peu coûteuses et rapidement déployables existent : végétalisation des cours de promenade, amélioration de l’isolation thermique des bâtiments, etc.
Les canicules se multiplient, et les prisons françaises se transforment en étuves invivables pour des milliers de personnes enfermées. À quand des changements profonds à la mesure des enjeux humains !
Contact presse : Sophie Deschamps – 07 60 49 19 96 – sophie.deschamps@oip.org
[1] « Conditions de détention indignes : la France encore condamnée par la CEDH », Dalloz Actualité, 12 juillet 2023.
[2] Dispositions relatives à la gestion sanitaire des vagues de chaleur en France métropolitaine, Direction de l’administration pénitentiaire, 20 juin 2025.
[3] Reportage « La chaleur les fait dérailler : plongée dans une des plus vieilles prisons de France », Ouest-France, 3 juillet 2025.
[4] Rapport « Double peine : les risques climatiques et environnementaux dans les prisons françaises », Notre Affaire A Tous, 11 juillet 2024.