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Annulation illégale d’activités en prison : une nouvelle salve de recours

Deux mois après l’annulation partielle par le Conseil d’Etat de l’instruction du ministre de la Justice interdisant les activités « ludiques ou provocantes » en détention, l’administration ne semble avoir tiré aucune conséquence de la décision rendue par la Haute Juridiction. Plusieurs recours ont été déposés pour obtenir le rétablissement d’activités déprogrammées.

Dans le sillage d’une polémique autour de prétendues séances de massage offertes à des personnes incarcérées à la prison de Toulouse-Seysses, Gérald Darmanin avait tranché sans trembler : les activités « ludiques ou provocantes » seraient désormais interdites en détention, avait-il affirmé dans une instruction publiée le 19 février 2025. Saisi par l’OIP et plusieurs autres associations et syndicats[1], le Conseil d’état lui adressait trois mois plus tard un cinglant rappel à l’ordre. S’il peut fixer les conditions dans lesquelles se déroulent les activités proposées aux personnes détenues, le ministre de la Justice n’avait pas le droit d’empêcher l’organisation d’activités autorisées par le code pénitentiaire « au seul motif qu’elles auraient, par ailleurs, un caractère “ludique”[2]. » Son instruction a donc été partiellement annulée.

Immédiatement, G. Darmanin s’est pourtant félicité « que le Conseil d’état ait validé sa circulaire (…), dans son intégralité, excepté le terme “ludique” », comme pour minimiser la portée de la décision d’annulation. Comme l’a d’ailleurs confirmé un directeur de prison auprès de l’OIP, aucune directive n’a été adressée par le ministre à l’administration pénitentiaire pour remettre en place les activités déprogrammées en application de son instruction illégale. Ce silence est d’autant plus éloquent que, début juillet, le garde des Sceaux conviait les professionnel·les du monde prison-justice aux États généraux de l’insertion et de la probation. Un événement censé incarner un tournant en faveur de la réinsertion, à laquelle contribuaient les activités qui demeurent à ce jour déprogrammées…

Dans ce contexte, le collectif d’organisations qui avait attaqué l’instruction ministérielle devant le Conseil d’état a déposé une nouvelle vague de recours devant les juridictions administratives pour demander l’annulation des décisions de déprogrammation d’activités dans une dizaine d’établissements pénitentiaires : les maisons d’arrêt d’Épinal (yoga), Bayonne (ateliers de magie), Angoulême (danse orientale), Niort (yoga), Tulle (atelier de relaxation) et Carcassonne (yoga, dessin et jeux d’échecs), le centre de détention d’Uzerche (médiation animale et atelier de relaxation) ainsi que les centres pénitentiaires de Plœmeur (yoga) et de Béziers (yoga).

Dans le cas de la prison audoise, l’OIP et ses partenaires ont en outre sollicité du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier la suspension de la décision de déprogrammation des activités de yoga, dessin et jeux d’échecs. Plusieurs circonstances permettaient de considérer que la condition d’urgence, nécessaire pour obtenir gain de cause en référé, était ici manifestement remplie. En particulier, un nombre important de personnes détenues paraissaient touchées par l’annulation de ces activités. Et la prison de Carcassonne était, au 1er juin 2025, la maison d’arrêt la plus surpeuplée de France, avec un taux d’occupation effarant de 245,3 %. En réduisant l’offre d’activités, la décision attaquée accentue l’enfermement de plus de 22 heures par jour des personnes détenues dans des cellules surpeuplées et en proie à des températures caniculaires en période estivale. Par une ordonnance du 3 juillet 2025, le juge des référés a néanmoins rejeté la requête pour défaut d’urgence. L’affaire a été portée devant le Conseil d’état.

Loin de se cantonner à une démarche contentieuse « défensive » – qui consisterait uniquement à solliciter l’annulation des décisions de déprogrammation d’activités prises par l’administration – l’OIP prévoit d’engager dans les prochains mois d’autres recours pour obtenir le développement significatif de nouvelles activités dans les établissements pénitentiaires.

Par Nicolas Ferran 

Cet article est paru dans la revue de l’Observatoire international des prisons – DEDANS DEHORS n°127 – Une société qui s’enferme : la répression comme seul horizon

[1] Les organisations requérantes : LDH (Ligue des droits de l’Homme), le Mouvement National « Le CRI », la Section française de l’Observatoire international des prisons, le Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (SNEPAP-FSU), l’Union nationale des Syndicat CGT SPIP.

[2] CE, 19 mai 2025, OIP-SF, n° 502367.