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Maison d’arrêt de Varces (Isère): deux détenus illégalement maintenus en cellule disciplinaire

Alors que les sanctions de cellule disciplinaire ne peuvent excéder 30 jours depuis l'entrée en vigueur de la loi pénitentiaire en novembre 2009, deux détenus de la maison d'arrêt de Varces se voient maintenus au « mitard » pour une durée de 45 jours. Les conditions dans lesquelles ils sont contraints à vivre pendant un mois et demi sont elles aussi en contradiction avec la réglementation en vigueur.

Aujourd’hui, S.T. a déposé une requête en référé-liberté devant le tribunal administratif de Grenoble pour obtenir la suspension de son placement en cellule disciplinaire pour une durée de 45 jours, décidé le 21 juillet suite à des violences physiques sur des personnels. Il y a deux semaines, un autre détenu s’est également vu placer au « mitard » pour une durée équivalente suite à des faits similaires. Pourtant, depuis l’entrée en vigueur de la loi pénitentiaire, le 25 novembre 2009, les sanctions de cellule de punition ne peuvent dépasser 30 jours. A ce titre, le Conseil d’État a déjà sanctionné la pratique de l’administration pour non respect de la loi pénitentiaire depuis son adoption. Dans une décision du 20 mai 2010 relative aux fouilles corporelles, la Haute juridiction avait rappelé au garde des Sceaux que « les lois entrent en vigueur le lendemain de leur publication au Journal Officiel, à moins que leur application soit manifestement impossible avant que n’aient été prises des mesures réglementaires d’application » et que, contrairement à ce que soutenait la Chancellerie, « la circonstance que cette loi prévoie que les mesures d’application du chapitre dans lequel [l’article en cause] est inséré seront édictées par décret en Conseil d’État n’a aucune incidence à cet égard ». Plusieurs décisions similaires, rendues par des tribunaux administratifs dans des affaires relatives au placement en cellule disciplinaire, avaient statué dans le même sens.

Les conditions dans lesquelles s’exécute la sanction des deux détenus placés au « mitard » à Varces s’avèrent tout aussi illégales. L’OIP avait en effet demandé à la direction la fermeture du quartier disciplinaire en décembre dernier, en attendant sa mise aux normes, relevant de nombreux manquements sur la base d’un constat d’expert réalisé en juillet 2009. Depuis lors, seuls des travaux de nettoyage et de remise en peinture ont été réalisés en décembre et au cours de l’été, ainsi que le changement du mobilier, ne modifiant en rien la configuration illégale des lieux. Contactée par l’OIP à plusieurs reprises ces derniers jours, la direction de l’établissement n’a pas répondu. Cependant, le 16 décembre 2009, la direction interrégionale de Lyon expliquait à l’OIP que « c’est impossible de fermer le QD », au nom du maintien de l’ordre en détention, confirmant que le quartier disciplinaire de Varces est « très mal situé, très difficile à mettre aux normes ». Et de conclure : « sur Grenoble, on met des rustines ».

De fait, les dysfonctionnements pointés par l’OIP en décembre persistent. En premier lieu, les possibilités de déambulation en cellule sont extrêmement réduites dans la mesure où la surface disponible au sol est de l’ordre de 4,5 mètres carrés. De même, la lumière naturelle provient de l’extérieur par un bandeau de trois fenêtres situées à environ deux mètres de hauteur limitant l’entrée de la lumière. L’isolement sensoriel qui en découle est aggravé par le fait que les promenades d’une heure quotidienne se déroulent dans une pièce fermée d’une taille de 24,20 mètres carrés. Au total, les personnes maintenues au quartier disciplinaire ne respirent pas l’air libre pendant toute la durée de leur sanction.

Depuis les travaux entrepris, les détenus continuent de dénoncer les conditions de vie en cellule disciplinaire dans leurs courriers adressés à l’OIP. Quant à lui, contacté par l’OIP le 12 août, le CHU de Grenoble, à qui incombe la prise en charge sanitaire des personnes détenues, souligne que « l’absence de contact social » tout autant que « l’absence de contact avec l’air ambiant et la lumière extérieure » pour une durée de 45 jours entraîne « un retentissement sur le moral » de n’importe quelle personne, « même en bonne santé », et est susceptible de la « pousser à bout ». Dans un témoignage, un détenu a écrit à l’OIP : « ici, au mitard, nous sommes des hommes, mais à moitié ».

L’OIP rappelle :

– que l’article 91 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit que « le placement en cellule disciplinaire ou le confinement en cellule individuelle ordinaire ne peuvent excéder vingt jours, cette durée pouvant toutefois être portée à trente jours pour tout acte de violence physique contre les personnes » et que dans une note du 28 juillet 2010, la direction de l’administration pénitentiaire « invite d’ores et déjà » ses services « à faire application des dispositions précitées » ;

– que, pour la Cour européenne des droits de l’homme, « l’article 3 de la Convention impose à l’état de s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités de l’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrances inhérent à la détention » (CEDH, Kudla c/ Pologne, 26 oct. 2000). La Cour estime que de mauvaises conditions de détention pendant une courte période (en l’espèce 37 jours) peuvent entraîner une violation de l’article 3 de la Convention européenne (CEDH, 4 oct. 2005, Becciev c/ Moldavie, n°3456/05). Elle considère enfin de manière constante que « les agissements de la personne considérée, aussi indésirables ou dangereux soient-ils, ne sauraient être pris en compte », la prévention des traitements inhumains et dégradants ayant un « caractère absolu » (CEDH, 28 février 2008, Saadi c/ Italie) ;

– qu’aux termes du Code de procédure pénale, « l’incarcération doit être subie dans des conditions satisfaisantes d’hygiène et de salubrité, tant en ce qui concerne l’aménagement et l’entretien des bâtiments (…) que (…) la pratique des exercices physiques » (article D. 349). En particulier, « tout détenu doit pouvoir effectuer chaque jour une promenade d’au moins une heure à l’air libre » (article D. 359).

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