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Le boulet fiscal d’un sortant de prison

41 603 euros d'impôts sur le revenu : c'est la somme réclamée à un sortant de prison sur la base d'une saisie effectuée lors de son arrestation. Au cours de son interpellation pour trafic de stupéfiants (il a reconnu vendre du cannabis depuis 3 ans), les services de police avaient saisi chez Y.B. 60 700 euros en espèces et 305 grammes de résine de cannabis (d'une valeur estimée à 1 067 euros). Il se voit ainsi réclamer des impôts sur des revenus tombés dans les caisses de l'Etat, au risque d'entraver ses nombreuses démarches de réinsertion depuis sa sortie de prison le 19 décembre 2012.

Sorti de prison sans ressource et sans logement stable après un an et demi de détention, Y.B. s’est engagé dans un parcours de réinsertion, dans le cadre d’une mesure de sursis avec mise à l’épreuve. Il obtient un emploi en contrat aidé dans une entreprise d’insertion, rémunéré au SMIC. Un travail qu’il parvient à assumer en dépit de périodes sans logement et d’autres en hôtel à 650 euros par mois. A partir de juin 2013, une association lui fournit un hébergement dans un appartement collectif, moyennant participation financière.

Un parcours qui se trouve aujourd’hui compromis par les exigences de la Direction générale des finances publiques de lui verser une somme astronomique. Quelques jours avant sa libération, Y.B. a reçu une mise en demeure de la Direction générale datée du 5 décembre 2012 lui indiquant : « en application des dispositions du Code général des impôts, vous êtes présumé avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur de ces biens » (espèces et cannabis saisis lors de son interpellation). Lui sont demandés 23 933 euros au titre de l’impôt sur le revenu et 15 227 euros au titre des prélèvements sociaux (CSG, contribution au remboursement de la dette sociale…). Le tout sera majoré à plusieurs reprises pour défaut de paiement, pour atteindre au 26 juillet 2013 la somme de 41 603 euros.

Une situation absurde

A sa sortie, Y.B. engage auprès des services fiscaux une demande de délai de paiement. Un échéancier de 50 euros par mois lui est accordé pour sa dette d’impôt sur le revenu. Mais en juillet, son salaire est intégralement saisi pour le paiement des prélèvements sociaux, causant en outre un prélèvement de 106 euros de sa banque pour les frais d’avis à tiers détenteur. Si Y.B. « était soucieux de régulariser ses dettes, il se retrouve aujourd’hui sans ressource tout en travaillant », déplore son travailleur social. Ajoutant qu’il ne peut plus assurer le paiement de sa participation à l’hébergement à l’association qui le prend en charge, ni « acheter son Pass Navigo pour se rendre au travail ». Pour parfaire le caractère absurde de la situation de Y.B., le niveau de revenu porté sur son avis d’imposition lui interdit l’accès à toute prestation sociale.

A deux reprises, le travailleur social de Y.B. a adressé un courrier aux ministres de la Justice et de l’Economie et des Finances. Il leur indique que cette situation « met à mal l’insertion de Y.B » et qu’il paraît « ubuesque » de payer l’impôt sur un revenu saisi et « issu d’un trafic » pour lequel il a été condamné. Il ajoute que « le signal envoyé par l’administration fiscale » lui paraît « être à l’opposé des conclusions de la conférence de consensus sur la lutte contre la récidive ». Et de son travail d’accompagnement socio-éducatif, « où l’accent est mis sur la réinsertion afin d’éviter la récidive ». Deux courriers restés à ce jour sans réponse, alors que Y.B. n’en voit « plus le bout » et se demande désormais s’il va « réussir à s’en sortir ».

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