La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) informe des faits suivants :
En dépit de grandes difficultés pour rencontrer ses proches et de son état de détresse psychologique, un homme maintenu au centre de détention de Nantes (Loire-Atlantique) se voit opposer un délai de 14 mois pour la réalisation du transfert qui lui a été accordé en vue d'un rapprochement familial, en raison du manque de place dans l'établissement de destination.
Incarcéré au centre de détention de Nantes depuis juillet 2007, S.P., âgé de 36 ans, ne peut voir sa femme et sa petite fille de 5 ans qu’une seule fois par mois. Celles-ci vivant en région parisienne, elles doivent en effet parcourir plus de 700 km aller-retour pour une heure de parloir. A chaque trajet, Mme P. débourse plus de 100 euros en billets de train alors qu’elle est allocataire du Revenu minimum d’insertion (550 euros).
Isolé, S.P. vit très mal cette situation, et sa détention en général. Depuis le 19 septembre 2007, il est affecté au service médico-psychologique régional (SMPR). En mars 2008, S.P. présente donc une demande de transfert pour un rapprochement familial. Le 15 avril 2008, une décision d’affectation vers le centre de détention de Melun est prise par la direction de l’administration pénitentiaire (DAP), mais S.P. est informé qu’il devra patienter au moins 14 mois avant la réalisation de son transfert. Contacté par l’OIP, l’administration pénitentiaire a confirmé que « la réalisation du transfert est actuellement programmée pour le second semestre 2009 » et que ces délais sont en outre « prévisionnels ».
La situation n’est pas spécifique au centre de détention de Melun, les délais d’attente pour le centre de détention de Joux-la-Ville (89) sont de 23 mois, 21 mois pour le centre de détention de Meaux-Chauconin (77), 22 mois pour le centre de détention de Toul (54) et 23 mois pour le quartier centre de détention du centre pénitentiaire pour femmes de Marseille, seul établissement pour peine de la région pénitentiaire à pouvoir accueillir des femmes. Les capacités de ces prisons sont atteintes, et la pratique veut que les établissements pour peine (centres de détention et maisons centrales) n’accueillent pas plus de détenus que la capacité théorique ne le permet. En l’absence de places disponibles, les personnes en attente d’affectation doivent donc patienter au détriment de leurs liens familiaux, mais aussi de leur projet de réinsertion.
Le projet de loi pénitentiaire ne prend pas en compte la recommandation de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) tendant à ce que les décisions d’affectation des condamnés soient « prioritairement édictées en considération des exigences de stabilité de leur situation familiale – spécialement s’ils ont des enfants » (« Etude sur les droits de l’homme dans la prison » du 11 mars 2004).
L’OIP rappelle que :
– l’article 707 du Code de procédure pénale énonce que « l’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive ».
– l’article D.402 du Code de procédure pénale dispose qu’« En vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé au maintien et à l’amélioration de leurs relations avec leurs proches, pour autant que celles-ci paraissent souhaitables dans l’intérêt des uns et des autres. »
– la règle pénitentiaire européenne n°17-1 prévoit que « Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale »