La section française de l’OIP informe des faits suivants :
Malgré les alertes régulières des personnels de santé ou pénitentiaires depuis de nombreuses années, la prise en charge psychiatrique - notamment des auteurs d'infractions sexuelles et des femmes détenues - reste largement déficiente dans le département du Nord.
« Il faut noter l’insuffisance des soins psychiatriques proposés à l’établissement compte tenu des besoins importants en santé mentale ». C’est en ces termes que la direction du centre de détention de Loos décrit la prise en charge psychiatrique des personnes détenues dans son rapport d’activité remis aux membres de la commission de surveillance du 15 septembre 2005. « Un poste de psychiatre à mi-temps est identifié ; actuellement ce sont au mieux 3 vacations, soit 3 demi-journées qui sont assurées. Quant au poste de psychologue il est de nouveau couvert depuis l’année dernière. En 2004, 1085 consultations de psychiatres ont été réalisées et 1071 consultations de psychologues ».
Lors d’une précédente réunion de la commission de surveillance pour les maisons d’arrêt de Loos et Sequedin le 9 juin 2005, le responsable du SMPR (service médico-psychologique régional) alertait sur la prise en charge des auteurs d’infractions sexuelles : « Cette population carcérale s’est considérablement accrue depuis 8 à 10 ans. Or, les condamnés incarcérés pour cette catégorie d’infraction seront prochainement libérables alors qu’aucun suivi post-carcéral n’est prévu en leur faveur, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes de récidive. La demande de création d’un centre de ressources pour la prise en charge de ces délinquants, approuvée par le Centre hospitalier régional en 1993, a échoué faute de financement. »
La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs prévoit qu’un médecin coordonnateur soit chargé de superviser le bon déroulement de la prise en charge médico-psychologique des délinquants sexuels après leur sortie de prison. Interrogée par l’OIP sur la mise en œuvre de cette mesure, la DDASS (direction départemental des affaires sanitaires et sociales) du Nord répond le 2 février 2006 que « dans le département du Nord, 3 psychiatres seulement sont inscrits sur la liste de ces médecins coordonnateurs. Cette situation, qui est loin d’être unique en France, est à rapprocher du nombre limité de psychiatres dans la région, de la sollicitation de la psychiatrie dans des domaines multiples, de la particularité de cette population et de sa prise en charge qui nécessite une formation ad hoc ».
Quant à la création du centre de ressources pour la prise en charge des délinquants sexuels, abandonnée en 1993 faute de moyens, la DDASS informe que, 13 ans après, elle est « toujours d’actualité et fait partie de l’une des priorités du plan psychiatrie et santé mentale (2005 – 2008). Notre région s’est d’ores et déjà positionnée pour la création d’un tel centre en 2006 et a d’ailleurs été sollicitée par le ministère de la santé pour participer à une réflexion sur l’élaboration d’un cahier des charges. Une première réunion a eu lieu le 30 novembre 2005. Une seconde réunion se tiendra prochainement ».
Le compte-rendu de la réunion de la commission de surveillance des établissements de Loos et Sequedin évoque également la question des femmes détenues, qui « ne bénéficient pas d’une prise en charge [psychiatrique] satisfaisante car il n’existe pas de secteur d’hospitalisation dans l’établissement ». La DDASS confirme qu’ « il n’existe pas à ce jour de structure spécifique (…) hormis les consultations spécialisées assurées dans le cadre des diverses unités de consultations et de soins ambulatoires des établissements pénitentiaires. L’ouverture d’un SMPR à vocation régionale pour femmes au sein de la maison d’arrêt de Sequedin n’a pu aboutir faute de moyens financiers et en raison de l’instauration prochaine des Unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). L’implantation dès 2008 d’une UHSA pour détenus hommes et femmes dans notre région trouvera assurément une issue satisfaisante à cette problématique ».
Dans son rapport « sur le respect effectif des droits de l’homme en France » rendu public le 15 février 2006, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe Alvaro Gil-Robles émet cependant des réserves, partagées par nombre de professionnels de la psychiatrie en milieu carcéral, sur le projet de création des UHSA.
Tout d’abord, il constate que « ces structures spécialisées (…) entérinent la prise en charge des détenus présentant des pathologies psychiatriques lourdes par des établissements hospitaliers sous administration pénitentiaire. »
Le commissaire aux droits de l’homme pose également la question des délais de mise en place de ces lieux de soin : « La construction de 19 de ces unités est attendue entre 2007 et 2012 pour un total de 705 lits », l’UHSA de la région Nord ne verra pas le jour avant 2008.
Enfin, les moyens : le projet est-il en capacité d’offrir une prise en charge effective au « nombre sans cesse croissant de détenus souffrant de pathologies psychiatriques lourdes » ? « La mise en perspective du chiffre de 1 800 prisonniers hospitalisés d’office en 2004 et de 700 lits proposés à terme par les UHSA laisse planer le doute. (…) Dans le même temps, les moyens alloués à la mise en œuvre de ce projet semblent tout à fait insuffisants à la vue des difficultés soulevées par la présence d’un grand nombre de malades mentaux dans les prisons françaises. Dès lors, je comprends parfaitement les craintes exprimées par mes interlocuteurs quant à la faisabilité de ce projet risquant, selon eux, de ne créer qu’un effet d’annonce ».
L’OIP rappelle :
– L’article L.1110-1 du Code de la santé publique : « Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne. »
– La circulaire du 8 décembre 1994 relative à la prise en charge sanitaire des détenus, qui prévoit que les détenus ont droit à « une qualité et une continuité de soins équivalentes à ceux offerts à l’ensemble de la population ».
– L’article 707 du Code de procédure pénale : « L’exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l’insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive. »