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Comment expliquer la surpopulation des prisons françaises ?

En mars 2020, la France atteignait un taux de détention inégalé depuis le XIXe siècle, avec 72 400 personnes détenues dans ses prisons. Chutant drastiquement à la faveur des mesures exceptionnelles prise en raison de la crise sanitaire, la courbe de la population carcérale a remonté régulièrement à partir de juillet 2020. Au mépris du principe de l’encellulement individuel et de la dignité des personnes, on compte début 2021 plus de 7500 personnes en « surnombre », ne serait-ce que par rapport au nombre de places. Conséquence du mécanisme de sur-incarcération, près de 700 personnes dorment sur un matelas au sol et 61 maisons d’arrêt (ou quartiers "maison d'arrêt") connaissent un taux d’occupation de plus de 120%.

L’évolution de la population détenue est sans corrélation avec celle de la délinquance

Ces chiffres ne traduisent pas pour autant une augmentation de la délinquance, comme le rappelait l’ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue : « Il faut se défaire résolument de l’idée commune selon laquelle les effectifs de personnes emprisonnées sont liés à l’état de délinquance du pays ». Si le taux de détention est passé sur la période 1990-2020 de 78 détenus pour 100 000 habitants à 105,4 pour 100 000, les indicateurs de l’évolution de la délinquance et de la criminalité recensée – que ce soient les enquêtes de victimisation ou le recueil des crimes et délits constatés par les services de police – ne témoignent pas d’une évolution corollaire. Les analyses de l’Observatoire scientifique du crime et de la justice (OSCJ) tirées de données policières et sanitaires témoignent même d’une tendance à la baisse de divers types d’infractions, comme les vols de véhicules et les cambriolages qui diminuent depuis deux décennies ou encore les homicides qui se situent à un niveau très bas (0,013 décès pour 1 000 habitants). Les vols avec armes diminuent en outre sensiblement depuis dix ans (16 100 enregistrés en 2009, 7 600 en 2019). Quant aux agressions physiques non létales, elles sont restée globalement stables sur la période, avec néanmoins une augmentation récente. Même chose concernant les violences sexuelles. On note une hausse significative des dépôts de plainte que depuis fin 2016 (SSMSI).

Une augmentation de la population détenue surtout liée à des orientations de politique pénale

Parmi les facteurs ayant contribué à l’inflation carcérale en France, on peut noter :

–       la pénalisation d’un nombre de plus en plus important de comportements (création des délits de racolage passif, mendicité agressive, occupation d’un terrain en réunion, occupation d’un hall d’immeuble, vente à la sauvette ou de maintien irrégulier sur le territoire, correctionnalisation du défaut de permis de conduire ou d’assurance, etc.) ;

–       le développement de procédures de jugement rapide, comme la comparution immédiate, qui aboutissent à un taux plus important de condamnation à de l’emprisonnement ferme (environ 70 %) ;

–       l’allongement de la durée des peines : ainsi, de 2002 à 2018, la durée moyenne de détention est passée de 7,9 à 9.8 mois. On assiste à un double phénomène : d’un côté, l’augmentation des incarcérations pour de courtes peines de prison de moins d’un an ou de quelques mois (en 1980, 7427 personnes étaient détenues en exécution d’une peine de moins d’un an; en janvier 2020, 20 511 – ce qui représente 41,4 % de la population condamnée détenue); et d’un autre, le prononcé de peines de plus en plus lourdes vis-à-vis d’autres publics. En 1980, moins de 6 000 personnes étaient détenues au titre d’une peine de 5 ans de prison ou plus; en janvier 2020, 11 989.

–       l’augmentation récente de la détention provisoire : les prisons comptaient 21 075 prévenus au 1er janvier 2020, contre 16 549 en janvier 2015… Soit une augmentation de 27 % en cinq ans. Une évolution qui s’explique en partie par l’augmentation du contentieux terroriste mais surtout par la frilosité grandissante des magistrats dans le climat sécuritaire actuel.

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