Réagissant à la publication d'un tract du syndicat FO pénitentiaire injurieux, l'OIP somme le Garde des sceaux d'intervenir.
Monsieur le Ministre,
La section française de l’Observatoire international des prisons a pris connaissance avec stupéfaction d’un tract du syndicat FO-pénitentiaire daté du 16 février 2012, contenant des propos injurieux et indignes de fonctionnaires d’État. Protestant contre une nouvelle tarification des produits vendus en cantine aux personnes détenues, le secrétaire général adjoint évoque une mesure trop favorable à « ces voyous qui ne respectent rien », venant « conforter la voyoucratie et l’école du crime ». Il regrette l’instauration de prix « défiant toute concurrence » pour « de la fripouille condamnée par la Justice Française » ou pour ces « crapules qui remplissent nos détentions ». Les prisons deviendraient par là- même des « Fouquet’s carcéraux » dans lesquels il ferait bon vivre « tellement le confort y est excellent ».
Afin de mettre un terme à ce qui relève de pratiques injurieuses malheureusement fréquentes de la part de certains syndicats pénitentiaires, il appartient à vos services de veiller au respect du code de déontologie du service public pénitentiaire adopté par décret du 30 décembre 2010. En son article 15, il prévoit notamment que « le personnel de l’administration pénitentiaire a le respect absolu des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire et de leurs droits. (…) Il ne doit user ni de dénomination injurieuse, ni de tutoiement, ni de langage grossier ou familier ». Applicable à « tout agent de l’administration pénitentiaire, en contact ou non avec les personnes placées sous main de justice » (circulaire du 17 février 2011), le code de déontologie dispose que « tout manquement aux devoirs définis par le présent code expose son auteur à une sanction disciplinaire ou au retrait, dans les conditions fixées par le code de procédure pénale, du titre en vertu duquel il intervient au sein des services de l’administration pénitentiaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale » (article 6).
Plus largement, si la liberté d’expression et la liberté syndicale constituent des droits fondamentaux garantis par la Constitution et qu’il convient de protéger, l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme les limitent notamment à « la protection de la réputation ou des droits d’autrui ». En ce sens, le législateur a prévu pour les syndicats que « Le contenu des affiches, publications et tracts est librement déterminé par l’organisation syndicale, sous réserve de l’application des dispositions relatives à la presse » (article L2142-5 du code du travail).
Loin d’un « comportement appliquant les principes de respect absolu (…) et d’exemplarité » (article 30 du code de déontologie), le tract du syndicat FO-pénitentiaire vient encore une fois opposer les intérêts des personnes détenues à ceux des personnels, ignorant les missions de réinsertion et de prévention de la récidive de l’administration pénitentiaire, tout autant que l’intérêt pour les conditions de travail des personnels de voir améliorées les conditions de détention et le respect de la dignité des personnes détenues.
Pour ces raisons, la section française de l’OIP vous demande instamment d’intervenir chaque fois qu’une organisation syndicale userait de propos injurieux, s’inscrivant manifestement en faux contre des règles déontologiques que vous avez-vous-même édictées en décembre 2010.
En vous remerciant de bien vouloir nous tenir informés des suites réservées à cette requête, nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, à l’expression de notre haute considération.
Sarah DINDO, Direction du Pôle éditorial de l’OIP
Gabriel MOUESCA, Administrateur, Secrétaire de l’OIP