Dans un avis du 20 juin 20111, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté invite les pouvoirs publics à respecter le droit d’expression en ouvrant l’accès à Internet et aux messageries électroniques aux personnes détenues.
La « libre communication des pensées et des opinions » étant l’un « des droits les plus précieux de l’Homme », tout citoyen « peut donc parler, écrire, imprimer librement » (article 11 de la déclaration des droits de l’Homme), rappelle le Contrôleur. Pour les personnes détenues, il appartient dès lors à l’administration pénitentiaire de garantir l’exercice de ce droit « sous les seules réserves nécessaires au maintien de la sécurité et au bon ordre des établissements, à la prévention de la récidive et à l’intérêt des victimes », comme le prévoit la loi pénitentiaire (article 22).
Internet : l’heure est venue !
Il en va tout autrement en réalité. Pour ce qui est de l’accès à Internet, il est impossible dans la plupart des établissements, à l’exception de cinq d’entre eux2, qui l’expérimentent dans des locaux partagés sous la supervision d’un formateur: seuls quelques services en ligne sont alors accessibles. Le Contrôleur préconise que des « dispositions soient prises à bref délai pour que chaque établissement assure » dans des locaux collectifs « le lien avec les services en ligne, l’administration pouvant » juste se réserver « de rendre impossible l’accès à certains d’entre eux », aux seuls motifs prévus par la loi. Dans ce cadre, l’accès aux services de messagerie en ligne devrait également « être assuré, dans les seules limites ouvertes par la loi pour les correspondances, auxquels les messages doivent être assimilés ». C’est ainsi que les courriels devraient intégrer les possibilités de correspondance pour les personnes détenues, subissant le même type de contrôle avant envoi et réception. Une option à laquelle le ministère de la Justice oppose une fin de non recevoir, répondant que « même si des solutions techniques existent, l’administration pénitentiaire n’est pas aujourd’hui en capacité, financièrement et humainement, de mettre en œuvre les mécanismes de contrôle des messages entrant ou sortant de comptes de messagerie ». Dans une toute autre logique, le Contrôleur rappelle pour sa part que l’accès aux services en ligne est d’autant plus important pour les personnes privées de leur liberté d’aller et venir qu’il constitue « un moyen très privilégié d’accéder à une grande part de l’information provenant de l’extérieur (presse, formation, annonces d’emploi, démarches administratives, enseignement…) ». En ce sens l’assouplissement des règles d’accès à l’informatique est nécessaire « si l’on veut améliorer la réinsertion des personnes détenues et la prévention de la récidive ».
Adapter les moyens de contrôle et non le droit d’utilisation
Pour ce qui est de l’usage d’ordinateurs en cellule, le Contrôleur général interroge la légalité de certaines dispositions règlementaires, tel l’alinéa 3 de l’article D.449-1 du code de procédure pénale, qui prévoit que le matériel informatique peut, dans certains cas, être confisqué par l’administration jusqu’à la fin de peine de l’acquéreur, sans autre procédure que le recueil d’observations écrites de l’intéressé. Il déplore également que les dispositions régissant l’acquisition de matériel informatique par les détenus, ainsi que la conservation de documents sur support informatique, « reçoivent des applications très sensiblement différentes » d’une prison à une autre. Il évoque les « nombreuses situations dans lesquelles tel matériel autorisé en cellule dans un établissement ne l’était pas dans un autre », si bien des personnes détenues se voient confisquer, à l’occasion d’un transfert, « un périphérique, un logiciel ou un support de stockage » dont ils avaient « l’usage depuis longtemps ». Par ailleurs, certaines interdictions de matériels ne s’avèrent en rien « liées aux nécessités de l’ordre », mais à l’incapacité de l’administration « d’en contrôler l’usage ou le contenu ». Ce serait dès lors à l’administration de prévoir les dispositifs de contrôle nécessaires pour permettre aux personnes détenues d’utiliser les moyens informatiques modernes. Un changement de prisme auquel le ministère reste littéralement autiste, indiquant notamment que « la limitation actuelle des disques durs est justifiée par le temps de traitement du logiciel de fouille Scalpel ».
Barbara Liaras
1. Avis du contrôleur général des lieux de privation de liberté du 20 juin 2011 relatif à l’accès à l’informatique des personnes détenues.
2. Marseille, Bordeaux-Gradignan, Amiens, Saint Martin-de-Ré et Metz-Queuleu.