Communiqué commun du SNPES-PJJ, Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, CGT, Ligue des droits de l'homme, Solidaires, FNUJA, FSU, Genepi et OIP-SF.
La Justice des mineur.e.s subit encore les effets dévastateurs du virage sécuritaire des lois Perben de 2002/2003 qui sont venus déconstruire l’esprit progressiste de l’Ordonnance de 45 en mettant de nouveau en place des Centres Fermés, en créant de nouvelles prisons pour enfants (EPM) et en renforçant la dimension répressive au mépris de la primauté de l’éducatif. Le gouvernement actuel s’obstine dans cette voie autoritaire et sans issue. Il impose en catimini, par voie d’ordonnance, d’une part une réforme de l’ordonnance de 1945 et d’autre part un code de la justice pénale des mineurs.
La Garde des Sceaux réaffirme que la justice des mineur.e.s n’est ni assez rapide ni assez sévère. C’est sans prendre en compte toutes les modifications qui ont déjà eu lieu en ce sens depuis 20 ans. Nous contestons cette logique sécuritaire qui aligne dangereusement la justice des enfants sur celle des adultes.
Cette volonté de réforme est d’autant plus inquiétante qu’elle fait suite à la commande politique d’un programme de création de 20 nouveaux CEF de 2019 à 2021. Ces structures concentrent à elles seules des moyens financiers conséquents (690 euros en moyenne par jour et par jeune) tandis que leur fonctionnement est décrié par plusieurs institutions de la République telles que le Défenseur des droits, la CGLPL (Contrôleuse Générale des lieux de privation de liberté) et la CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme).
Ce durcissement de la justice des enfants ne tient aucunement compte de la hausse constante et historique de leur incarcération (plus de 800), de l’inefficacité avérée de la politique répressive d’enfermement et de l’inadaptation des mesures probatoires à la psychologie adolescente.
Il s’agit d’un refus idéologique de prendre en compte la fragilité et la complexité de l’enfance et de l’adolescence ainsi que la dimension de précarité économico-sociale dans laquelle se trouvent nombre d’enfants sous main de justice.
Les réponses actuelles apportées favorisent les mesures de contrôle, d’enfermement et de punition au mépris d’une justice émancipatrice. La justice des mineur.e.s a besoin de temps, de moyens et de bienveillance à l’égard de ces enfants.
Si l’ordonnance de 1945 régissant le droit pénal des mineur.e.s doit être réformée, c’est pour en réaffirmer son préambule, la primauté de l’éducatif sur le répressif, et donc d’en exclure les mesures transposées du code pénal des majeurs.
Un jeune qui est poursuivi pour un acte de délinquance est avant tout un enfant en danger, il reste un enfant et doit l’être dans toute sa complexité aux yeux de la justice.
La création d’un code de la justice pénale des mineur.e.s viendra inévitablement remettre en question cette notion primordiale en réduisant l’adolescent.e à son seul passage à l’acte et inscrira les professionnels de la PJJ dans une dynamique strictement répressive au détriment de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.
L’ordonnance du 2 février 1945 ne doit pas être réformée sans débat, sans prise en compte des besoins réels des jeunes, sans retour à une philosophie bienveillante, protectrice et émancipatrice et sans réelle redistribution des moyens vers les services éducatifs d’insertion, de milieu ouvert et d’hébergement.
Après la manifestation du 15 janvier 2019 contre la réforme de la Justice, nous appelons à un rassemblement le samedi 2 février 2019 à 14h00 : à Paris devant le ministère de la Justice, Place Vendôme (croisement rue de la Paix/ rue Danielle Casanova) et en régions pour contester le projet prévu de réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 et exiger une véritable réforme qui rappelle la primauté de l’éducatif.