Depuis maintenant deux semaines, les surveillants bloquent le centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Ce mouvement, déclenché par l’agression le 5 mars d’un surveillant par un détenu et sa compagne, a des conséquences dramatiques pour les personnes incarcérées, confinées en cellule 24h/24. Pour les proches à l’extérieur, l’inquiétude est immense. À l’intérieur, la pression monte.
« Mon mari est incarcéré au centre pénitentiaire d’Alençon Condé-sur-Sarthe. Cela fait plusieurs jours que l’accès aux parloirs, aux UVF, aux cabines et aux cantines est bloqué pour les détenus. Et nous en tant que familles, nous n’avons quasiment pas de nouvelles d’eux. Mon mari m’a appelée hier, il n’avait droit qu’à cinq minutes, il m’a dit que leur conditions d’incarcération étaient exécrables. Depuis le début du blocage, même les poubelles ne sont pas enlevées des cellules… »
Ce message, adressé le 17 mars à l’OIP par la compagne d’un homme détenu à Condé, fait écho à ceux que nous font parvenir de nombreux proches depuis maintenant deux semaines : les détenus n’ont pas accès aux promenades, pas d’activité, pas de travail. Faute de personnel, les poubelles ne sont plus évacuées. L’odeur devient insupportable.
Si la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) parle aujourd’hui d’ « une soixantaine d’agents sur place », depuis le 5 mars, seuls quelques surveillants, pour l’essentiel des stagiaires, assuraient le service minimum à l’intérieur de l’établissement avec le renfort des équipes régionales d’intervention et de sécurité (ERIS). Plusieurs détenus affirment ne recevoir en guise de repas que du pain et une salade de thon, d’autres parlent d’un repas chaud par jour. Si le tabac a parfois été distribué, ils n’ont reçu aucune autre cantine depuis deux semaines. La DAP assure néanmoins aujourd’hui que « deux repas chauds seront assurés ce jour » et que « la distribution de la cantine tabac a également été reprise ».
L’accès aux cabines téléphoniques est lui aussi réduit au minimum depuis le 5 mars et à l’extérieur, « l’inquiétude des familles est grandissante », comme nous l’expliquait la compagne d’un détenu. Le 14 mars, on apprenait par exemple que seuls trois détenus avaient pu avoir accès au téléphone car « un membre de leur famille dehors était malade ». Les familles qui ont tenté d’obtenir des nouvelles par l’administration, au téléphone ou devant la prison, disent avoir été souvent très mal reçues, voire insultées.
Dans ce climat particulièrement tendu, plusieurs détenus qui demandaient à sortir de leur cellule évoquent des violences de la part des membres des ERIS. Mais sans accès aux soins, sans accès à un médecin et sans aucune possibilité de communication avec l’extérieur, impossible de vérifier cette information, ni pour les personnes détenues d’envisager de porter plainte.
D’autant que nombre d’avocats témoignent eux aussi n’avoir eu aucun contact avec leur client depuis le 5 mars, que ce soit au parloir ou par téléphone. L’association des Avocats pour la défense des droits des détenus (A3D) a à ce sujet saisi le juge des référés afin « qu’il soit prescrit à l’État de mettre en œuvre, avec la plus grande diligence, tous les moyens nécessaires au rétablissement des modes habituels de contacts et d’échange entre les personnes détenues à Condé-sur-Sarthe et leurs avocats ». L’audience, qui devait se tenir ce mardi 19 mars à 15h30 au tribunal administratif de Caen, a été renvoyée à mercredi 20 à la demande du ministère.
Conscient de la gravité de l’agression subie par deux surveillants, l’OIP rappelle néanmoins une nouvelle fois que la privation de droits et la détérioration des conditions de vie des personnes incarcérées à Condé-sur-Sarthe ne feront qu’aggraver le climat délétère qui règne en détention, affectant tant les personnes détenues que les personnels pénitentiaires.
Contact presse : Pauline De Smet · 07 60 49 19 96
- Lire notre communiqué du 8 mars 2019 : « Blocage du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe : l’avocat de deux détenus saisit le tribunal administratif »