Le Parlement va-t-il entendre les recommandations des organes internationaux de protection des droits de l’homme ou s’affranchir encore de ses engagements internationaux ? Le Comité contre la torture des Nations-Unies (CAT) a rappelé avec force, il y a quelques jours, que les fouilles à nu en prison devaient rester exceptionnelles. De son côté, le Comité anti-torture du Conseil de l’Europe (CPT) a appelé les Etats membres à revoir le traitement des condamnés à la perpétuité et à garantir une perspective de libération qui ne soit pas purement formelle. Deux exigences bafouées par le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme que l’Assemblée s’apprête à voter.
Dans ses observations finales sur la situation de la France, le 13 mai dernier, le comité onusien a été clair. Pour respecter la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, l’État français doit « restreindre les fouilles intégrales » et leur conférer un caractère « exceptionnel ». A cet égard, il s’est alarmé du recours « fréquent voire systématique aux fouilles intégrales dans certains établissements » – des méthodes « intrusives non respectueuses de l’intégrité physique des détenus ». Ce constat, qui a déjà valu à la France de multiples condamnations, rappelé ici par un comité composé d’experts issus des cinq continents, se heurte aujourd’hui à la surdité de la France tant le gouvernement s’est engagé dans une dangereuse dérive qui l’éloigne du respect de l’état de droit.
Car, alors que le comité appelle à un « strict contrôle des règles établies par la loi pénitentiaire de 2009 » le Parlement entend aujourd’hui saborder ce cadre normatif déjà peu respecté pour autoriser le recours massif et non individualisé aux fouilles à nu. Le projet de loi, dans sa rédaction issue de la commission mixte paritaire, prévoit la possibilité de fouilles intégrales collectives dans des lieux où l’on peut soupçonner l’introduction d’objets ou de substances interdites, ce qui revient ni plus ni moins à permettre un recours systématique à ces méthodes dégradantes à l’issue des parloirs. A rebours des exigences des instances de protection des droits de l’homme, dont certains députés n’hésitent même plus à dire qu’il faut savoir s’ « en affranchir ou, tout au moins, assumer son désaccord », sans que cela suscite une quelconque opposition (G. Larrivé, 11 mai 2016).
Même approche concernant la réclusion criminelle à perpétuité. Alors que 14 avril dernier, le président du CPT a rappelé lors d’une conférence de presse qu’« il est inhumain d’incarcérer une personne à vie sans lui offrir aucune perspective de libération », le Sénat s’est félicité dans un communiqué du 11 mai du maintien par la commission mixte paritaire de dispositions « tendant à empêcher la libération des personnes condamnées à perpétuité pour crime terroriste ». Les parlementaires ont en effet durci le régime de perpétuité incompressible de manière à « être encore plus certains » que les condamnés « ne pourront jamais être libérés » (Philippe Bas, 30 mars 2016). La mort pénale à petit feu … Car disent-ils, « c’est ce que le peuple souhaite, ce que les familles endeuillées exigent » (Jean-Pierre Grand, 30 mars 2016).
Et s’ils pensaient que le peuple demandait qu’ils soient lynchés sur la place publique ? Le rôle des institutions démocratiques est-il de livrer des coupables présumés à la vindicte populaire ou, au contraire, d’être le marqueur de l’État de droit et le gardien de la protection des droits fondamentaux ?
L’OIP appelle les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat à en finir avec la politique des émotions et à retrouver le sens des responsabilités en ne votant pas ce texte attentatoire aux libertés et aux engagements de la France en matière de droits de l’homme.