Accaparés par la gestion « chronophage » du dispositif technique qui caractérise la surveillance électronique, les professionnels se retrouvent bien souvent dans l’impossibilité d’assurer un véritable accompagnement des personnes concernées.
« Les mesures de surveillance électronique sont très chronophages et on en perd souvent l’objectif d’un aménagement de peine, qui est la réinsertion et la prévention de la récidive », déplore Ivan Guitz, président de l’Association nationale des juges de l’application des peines (Anjap). D’abord parce que ces mesures, très contraignantes, sont en elles-mêmes sources d’incidents qu’il faut traiter administrativement : les retards, le plus souvent justifiés a posteriori, sont fréquents et génèrent des alarmes à régulariser. Il arrive aussi que celles-ci soient dues à des dysfonctionnements techniques : « À chaque fois, les services doivent appeler la personne pour vérifier, faire un rapport, transmettre au juge, qui doit ensuite examiner la situation… », explique un magistrat.
La mesure, qui repose sur une assignation à résidence à des horaires définis de façon généralement restrictive, va souvent nécessiter des adaptations en cours de route, que ce soit pour permettre un rendez-vous chez le médecin ou faire face à des changements au niveau professionnel. Toutes ces modifications doivent être gérées par les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (Cpip) et soumises à la validation du juge de l’application des peines. « Quand on a des gens qui ont des plannings qui changent tous les jours, ou qui travaillent en intérim et sont appelés la veille pour le lendemain, c’est hyper galère pour la personne mais aussi pour le Cpip », explique Marion Bonneaud, de la CGTinsertion. « La surveillance électronique, ça transforme le Cpip en gestionnaire de l’emploi du temps de la personne suivie, complète Pierre-Yves Lapresle, du même syndicat. Au lieu de se consacrer à un accompagnement social, socioéducatif, on va traiter des demandes de modifications horaires, ça nous détourne complètement de notre mission initiale. » « De fait, nos entretiens de suivi individuel sont parasités par le quotidien, abonde Annabelle Bouchet, du syndicat Snepap-FSU. Concrètement c’est ‘‘Bonjour Monsieur, vous avez votre justificatif ? Ah, vous avez changé d’horaires ? Je vous mets une heure de plus, ça vous va ?’’ Et puis on va s’intéresser aux effets de cette surveillance, essayer de savoir comment la personne vit avec ce fil à la patte, comment l’entourage vit la chose… C’est autant de temps que l’on ne passe pas à travailler sur le fond de l’accompagnement. »
Une problématique qui, avec la massification des mesures de surveillance électronique, pèse de plus en plus lourd dans le quotidien des professionnels et finit par empiéter sur les autres mesures. « Le bracelet électronique prend toute la place, les autres aménagements sont délaissés, alors même que cette mesure entraîne un détournement de l’objet poursuivi », s’alarme Pierre-Yves Lapresle. Dans certains services pénitentiaires d’insertion et de probation, des programmes collectifs ont été mis sur pieds pour assurer l’accompagnement social et criminologique des probationnaires. La direction de l’administration pénitentiaire travaillerait actuellement à leur généralisation, notamment pour faire face au nouvel afflux de personnes placées sous surveillance électronique à prévoir dans le cadre de la libération sous contrainte. Une tendance qui inquiète la CGT-insertion : « On cherche à faire des gains de productivité en proposant des programmes de prise en charge type, au détriment d’une réelle individualisation de la prise en charge », regrette Pierre-Yves Lapresle.
Par Laure Anelli