Cinq ans jour pour jour après l’arrêt historique de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamnant la France pour traitements inhumains et dégradants en prison, la situation carcérale continue de se détériorer.
Le 30 janvier 2020, la CEDH dénonçait des conditions de détention indignes imposées aux personnes détenues requérantes, et le non-respect du droit à un recours effectif permettant de contester l’indignité de ces conditions. Outre la violation manifeste des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme que cette décision consacrait, la CEDH, estimant que « les taux d’occupation des prisons concernées révèlent l’existence d’un problème structurel », recommandait à la France « l’adoption de mesures générales visant à supprimer le surpeuplement et à améliorer les conditions matérielles de détention ».
Cinq ans après, les traitements inhumains et dégradants, non seulement n’ont pas cessé, mais se sont considérablement aggravés et étendus. Les chiffres sont accablants : 66% des personnes détenues vivent aujourd’hui dans des établissements pénitentiaires où le taux de suroccupation atteint les 155%, voire dépasse les 200% dans plusieurs dizaines d’entre eux. Plus de 4 200 personnes dorment sur un matelas à même le sol.
En embolisant toutes les dimensions de la vie carcérale, la surpopulation accentue la vétusté et l’insalubrité déjà emblématique des établissements, exacerbe les violences carcérales, réduit quasi à néant les possibilités d’accompagnement et d’accès aux droits des personnes détenues, s’agissant notamment de l’accès aux soins, à des activités, à une formation ou à un travail…
Cinq ans après, les recours accessibles aux personnes détenues manquent toujours d’effectivité – en dépit de la création d’une nouvelle voie de recours en 2021 -, et ne contribuent pas à stopper l’indignité des conditions de détention constatées dans les établissements incriminés.
Cinq ans après, aucune mesure générale d’envergure n’a été prise pour enrayer « le surpeuplement » dénoncé par la CEDH. Les gouvernements successifs se sont entêtés à apporter des non-réponses ou des réponses inappropriées, voire contre-productives notamment centrées sur la construction d’encore plus de places de prison pour répondre, en réalité, à une frénésie répressive.
Les mesures efficaces sont pourtant connues et largement utilisées dans d’autres pays voisins comme le Royaume-Uni par exemple : mise en place en urgence d’un mécanisme contraignant et national de régulation carcérale (à l’instar du Royaume-Uni), dépénalisation de certaines infractions, développement des peines alternatives à l’incarcération, limitation de la détention provisoire, suppression des comparutions immédiates…
Face à cette inertie de cinq ans, une question demeure : combien d’années et de condamnations faudra-t-il encore pour que la France mette fin à l’indignité carcérale ?
Contact presse : Sophie Deschamps – 06 26 26 79 91 – sophie.larouzeedeschamps@oip.org
Près de chez vous, plus de 80 000 personnes sont enfermées dans des conditions de détention indignes