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Caen : le suicide d’une transsexuelle met en évidence des carences de prise en charge

Transsexuelle âgée de 41 ans, Nathalie s’est pendue dans la nuit du 14 au 15 novembre 2012, dans sa cellule du centre de détention de Caen.

Martial pour l’état-civil, elle avait appris le jour même que son recours visant à lui permettre d’utiliser son prénom féminin était rejeté par la Chambre des affaires familiales, au motif qu’elle n’avait pas encore entamé de transformation irréversible. Le énième courrier qu’elle avait commencé à rédiger pour obtenir une prise en charge médicale afin d’entamer sa transformation (traitement hormonal et chirurgie) s’arrête, selon son avocat, au milieu d’une phrase. Incarcérée depuis 2006 et transférée à Caen en juillet 2011, Nathalie avait entrepris une procédure de changement d’identité sexuelle avant ce transfert, et s’était déclarée transsexuelle dès son arrivée à Caen. L’hôpital pénitentiaire de Fresnes et le CHU de Caen étant incompétents dans la prise en charge pluridisciplinaire de sa transsexualité, elle demandait régulièrement, en vain, une orientation vers une structure médicale spécialisée. Une carence récurrente d’orientation et de prise en charge des personnes transsexuelles incarcérées déjà déplorée par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans un avis du 30 juin 2010: même informées, les personnes détenues n’ont, indique-t-il, «nullement accès à l’offre de soins existant hors des établissements pénitentiaires en la matière ».

Tout au long de sa détention, Nathalie s’est plainte du manque de respect de sa transsexualité, voire de véritables brimades. Fouilles à nu ayant pour seul but de constater qu’elle demeure anatomiquement un homme, interdiction de certains effets féminins ou de produits spécifiques… des refus et brimades qui entraînent régulièrement des incidents. Le 23 février 2012, elle est sanctionnée d’un avertissement pour avoir « déchiré [son] étiquette de porte […] en prétextant qu’elle portrait [son] prénom (Martial) et [qu’elle ne pouvait] le supporter ». Le 14 juin, il lui est reproché en commission de discipline de détenir un fer à défriser, qu’elle soutient pourtant avoir en sa possession depuis son arrivée de Fresnes. Elle est relaxée. Le 25 juin, alors qu’elle a l’accord de la direction et du responsable des ateliers de porter un maquillage léger en détention, les surveillants l’empêchent d’accéder maquillée au travail et la réintègrent de force dans sa cellule, lui occasionnant une journée d’arrêt de travail.

En raison de la « gestion de [sa] féminisation », afin « d’assurer sa sécurité » – ce qu’elle conteste formellement – et du fait du trouble prétendument causé en détention par sa transsexualité, Nathalie est de surcroît soumise, à partir du 2 mai 2012, à un régime différencié proche de l’isolement, le « régime contrôlé contraint », qui limite ses relations en détention, réduit son accès au travail et la prive de toute activité socioculturelle. dans les observations portées sur le PV de décision d’affectation en régime contraint de la Commission pluridisciplinaire unique du 2 mai 2012, le chef d’établissement note : « Le placement en régime différencie doit vous permettre de réévaluer votre gestion de détention. Il nous permettra aussi de réétudier avec vous les particularités propres à un régime de détention ouvert, les attitudes, les comportements à éviter ainsi que les règles à respecter, le tout a n de vous permettre une meilleure préparation à la sortie qui, somme toute, s’avère proche. » Condamnée à une peine de 15 ans, Nathalie était libérable le 16 mars 2019.

OIP, Coordination Ile-de-France