Jean-Marie Delarue ne voulait pas finir son mandat sans rappeler la promesse du législateur de 2009 de garantir l’encellulement individuel dans les prisons françaises pour 2014. Dans un avis du 24 mars, il rappelle ce que tout le monde sait sans le dire : l’échéance du 25 novembre 2014 ne sera pas tenue.
Un renoncement devenu presque banal : « à trois reprise en quatorze ans », le législateur s’est octroyé « un nouveau délai avant la mise en œuvre d’un régime “normal’’ d’encellulement individuel » déplore le Contrôleur. Qui voit poindre un délai supplémentaire. En effet, le taux d’occupation moyen de 137,5 % dans les maisons d’arrêt rend l’application de la loi parfaitement « illusoire ».
« En dépit d’un programme de construction de prisons permettant d’accroître le nombre de places disponibles ». Pour interpeller ceux qui se prépareraient à un simple nouveau report, le Contrôleur propose un plan intermédiaire, visant à « desserrer l’étreinte de la surpopulation carcérale ». Objectif : « Offrir, à chaque personne incarcérée, un espace où elle se trouve protégée d’autrui et où elle peut donc ainsi préserver son intimité et se soustraire, dans cette surface, aux violences et aux menaces des rapports sociaux en prison ».
Le premier axe s’inscrit dans une politique de réduction du recours à l’emprisonnement, en agissant « à la fois sur les flux d’entrée, par diminution, et sur les flux de sortie, par augmentation ». De telles orientations relèvent d’une politique pénale réductionniste : diminution de l’échelle des peines, renforcement des alternatives à la prison, développement des aménagements de peine… « Quelques initiatives locales arrêtées par l’autorité judiciaire, en accord avec les directions d’établissement » permettent également d’y contribuer. En particulier, « la prise en considération des places disponibles » (pouvant conduire à différer la mise a exécution d’une peine) et « une politique active d’aménagement des peines ».
Le deuxième axe vise à assurer « la protection des personnes menacées » au sein de la détention, en les regroupant au sein de « quartiers destinés à les abriter ». « Une affectation dans de tels quartiers peut aider beaucoup à supporter un encellulement à deux dès lors qu’il ne se traduit pas par des menaces ou des violences », estime le Contrôleur.
Troisième axe, « certaines catégories de personnes détenues doivent avoir l’assurance d’être affectées dès à présent selon le principe de l’encellulement individuel ». A commencer par celles « dont la situation particulière tenant notamment à l’âge, aux conditions de santé, à de sérieuses difficultés de communication, exige une attention accrue au respect de leur droit à une vie privée ». De telles règles d’affectation devraient permettre d’éviter aux « personnes qui demandent à être protégées des autres » un placement au quartier d’isolement (QI). Enfin, pour les détenus qui « sans ambiguïté ni pression, choisissent librement d’accomplir leur détention dans une cellule partagée (trois au plus) », celle-ci devrait impérativement être adaptée, tant en surface – « 12 à 14 m2 pour deux, 15 à 19 m2 pour trois » – qu’en mobilier. L’administration devrait alors « s’efforcer d’affecter un codétenu que la personne aura agréé ». C’est à une mise en œuvre progressive de l’encellulement individuel qu’invite ainsi Jean- Marie Delarue. Il demande que le Gouvernement en rende compte chaque
année devant le Parlement.
Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Avis relatif à l’encellulement individuel dans les établissements pénitentiaires, 24 mars 2014.