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Éditorial Dedans-Dehors n°76

Objectif 80 000 détenus

Ce n’est plus un objectif de prévention de la récidive, ce n’est plus une perspective de diminution des violences, de régulation sociale et d’insertion des auteurs d’infraction. C’est un objectif de taux de détention, d’exécution mécanique des peines prononcées, de 80 000 détenus à l’horizon 2017. La députée Marietta Karamanli (PS), s’en étonnait lors des discussions autour de la loi de programmation sur l’exécution des peines adoptée le 29 février 2012 : « 96 100 personnes placées sous écrou et 80 100 personnes détenues à horizon 2017’’. Le projet de loi nous explique tranquillement que la délinquance ne régresse pas et qu’elle va au contraire poursuivre sa progression tout au long des prochaines années. Nous sommes surpris de lire que le texte anticipe l’échec de la politique de lutte contre la délinquance qu’il prétend en quelque sorte pénaliser. »

Il est vrai qu’aucune réflexion, aucun débat n’aura été initié par cette majorité présidentielle sur ce que pourraient être des dispositifs et méthodes d’accompagnement plus efficaces à prévenir la récidive. Les recherches sur le sujet sont inexistantes en France, celles produites à l’étranger sont largement ignorées. Pendant ce temps, les records se succèdent. 65 699 personnes détenues au 1er février, 66 445 au 1er mars, jamais la France n’avait autant incarcéré. Si sur le champ de la prévention de la délinquance, la posture fait o ce d’action, le gouvernement a bel et bien engagé un mouvement d’« industrialisation de l’enfermement ». Avec 57 213 places au 1er février 2012, le parc pénitentiaire n’a jamais été aussi étendu. Alors que le programme de 13 200 places décidé en 2002 n’est pas même achevé, la construction de 24 397 autres vient d’être validée par l’Assemblée nationale, en dépit des mises en garde sur le gouffre financier engagé pour le contribuable et son e et contre-productif sur la délinquance. Entre l’appel d’air des nouvelles places de prison, les pressions opérées sur le système judiciaire pour mettre à exécution les courtes peines au détriment de leur aménagement, l’aggravation des quantum des peines encourues, la création endémique de nouvelles infractions pénales, le maintien du milieu ouvert dans une pauvreté chronique… tout est en place pour que l’objectif soit atteint.