Au nom du droit au respect de la vie privée et familiale, le Conseil de l’Europe demande aux États membres de veiller à ce que les détenus soient « autorisés à quitter la prison – soit sous escorte, soit librement – pour assister des obsèques ».
La seule limite tient au risque d’évasion, dont la Cour européenne des droits de l’Homme exige cependant qu’il soit spécialement caractérisé et que les autorités expliquent en quoi l’escorte serait insuffisante à le prévenir. Des exigences insuffisamment respectées en France. Le 17 janvier 2012, un jeune homme de 20 ans, placé en détention provisoire à la maison d’arrêt d’Épinal, s’est vu refuser d’assister aux obsèques de sa mère, au motif d’un « risque d’évasion, compte tenu du profil de la personne : il a été condamné à huit reprises, notamment à trois ans d’emprisonnement pour vol aggravé en récidive légale ». Un risque semble-t-il relatif, puisque le Parquet est revenu sur sa décision suite au rassemblement des proches du détenu devant la prison. Le procureur a alors accordé au jeune homme une autorisation de sortie sous escorte « dans un but d’apaisement ».
Le processus peut être plus long. Il aura fallu dix mois de demandes répétées à M. P., incarcéré au centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède, pour qu’il obtienne, le 7 février 2012, l’autorisation de se rendre sous escorte sur la tombe de son fils, dont il avait appris le décès par la presse. Une première demande adressée au juge de l’application des peines le 3 mai 2011 ne serait jamais arrivée. Une seconde demande a fait l’objet d’un refus, confirmé en appel le 26 juin. Motif : il purge une peine de réclusion criminelle de 18 ans et présente « une dangerosité criminologique significative bien qu’elle soit difficile à évaluer ». Qui plus est, la filiation avec l’enfant décédé ne serait pas établie – elle le sera lors de la troisième décision rendue en août 2011, sans que celle-ci soit pour autant positive. Le refus est alors motivé par le fait qu’au « mois d’avril 2011, il a été découvert dans sa cellule deux armes artisanales » et que cette découverte « établit que [l’intéressé] n’entend pas rompre avec son comportement violent ». Six mois plus tard, l’autorisation lui est finalement accordée sans motivation particulière.
Autre forme d’entrave au respect de la vie privée et familiale : l’interdiction d’assis- ter à la totalité des obsèques. Le 29 septembre 2011, M. M., détenu au centre de détention de Bédenac, a été autorisé à se rendre sous escorte à l’inhumation de sa mère. Mais pas à la mise en bière, ni à la messe. C’est pourtant ce qu’avaient suggéré les personnels de l’établissement dans le formulaire de demande adressé au juge de l’application des peines. Contacté par l’OIP, le magistrat a expliqué avoir été confronté pour la première fois à une telle demande, et avoir pensé qu’il n’était pas possible que l’escorte reste présente durant la cérémonie religieuse. N’ayant pas été averti de cette décision, M. M. s’est préparé le jour des obsèques pour un départ à l’heure initialement prévue. Personne ne venant le chercher, il s’est effondré, et lorsque l’escorte est arrivée plusieurs heures après, M. M. a refusé de partir et demandé une prise en charge médicale immédiate. Il est resté hospitalisé une semaine.