Quelles relations le médecin exerçant en prison peut-il établir avec son patient, quand le poids de la logique pénitentiaire s’impose à tout moment?
Anne Lécu, médecin à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis, puise « dans la tradition philosophique pour donner des éléments de réflexions », suggérer nombre de pistes aux soignants et « plus généralement à ceux que la thématique carcérale questionne ». Au premier rang desquelles commencer par croire les personnes captives, dans leurs paroles et dans leurs symptômes. Se refuser à céder « à la pression ambiante qui n’hésite pas à dire : ‘’Depuis quand on se met à croire les détenus ?” ». Ensuite, favoriser tout ce qui peut créer du lien pour les détenus – avec les familles, entre détenus, avec les personnels. Enfin, refuser la mise à distance : bien loin de la figure du délinquant prédateur, « l’expérience la plus tangible du soignant, c’est “ils sont comme nous, et nous comme eux” ». sollicité sans cesse « pour de multiples questions qui ne relèvent pas directement du soin, mais de la vie en détention », le médecin se doit également de lutter sans cesse contre cette intrusion dans sa pratique. Pour Anne Lécu, la seule façon de garder le cap est de chaque fois « se demander si la question posée est ou non médicale ; et si elle ne l’est pas, de trouver une réponse qui le soit ». Par exemple, lorsqu’il est demandé si l’état de santé d’un détenu est compatible avec une mesure d’isolement, « la réponse peut n’être ni oui, ni non, mais “l’isolement est préjudiciable pour l’état de santé physique et mental de toute personne”». un ouvrage pour faire bouger les lignes…
Anne Lécu, La prison, un lieu de soin ?, Les Belles Lettres, 2013.