Alors que la population carcérale bat chaque mois de nouveaux records, une petite musique se fait entendre de manière lancinante : la situation devrait encore s’aggraver avec les Jeux olympiques 2024. La Direction de l’administration pénitentiaire le dit sans tabou : il faut s’attendre à une forte augmentation des incarcérations en amont des jeux, et les directeurs des prisons franciliennes ont été invités à s’y préparer.
Sans surprise au vu des enjeux – plus de 15 millions de touristes sont attendus à l’été 2024 – les JO devraient en effet être l’occasion du déploiement d’un arsenal sécuritaire sans précédent. Ainsi, la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques adoptée au printemps prévoit-elle la possibilité de recourir à la vidéosurveillance algorithmique, franchissant un cap inédit et probablement irréversible dans l’utilisation de l’intelligence artificielle à des fins de surveillance des populations. Mais au-delà de la sécurité des visiteurs et des athlètes, les JO sont aussi et surtout une question d’image. Pour que la fête soit belle, il faut éloigner les indésirables de l’espace public. Le phénomène n’est pas nouveau : on se souvient qu’en 1984 déjà, une loi interdisant de dormir dans la rue avait été promulguée en marge des JO d’Atlanta. À Paris, le ministère de l’Intérieur a lancé dès l’automne 2022 un Plan zéro délinquance sur l’ensemble des territoires qui accueilleront les jeux. C’est la délinquance de rue qui est visée : occupation illégale de l’espace public, vente à la sauvette, petits trafics avec, au programme, « une montée en puissance » des opérations policières d’ici l’été 2024, annonce la place Beauvau. Et par voie de conséquence une intensification des arrestations, des gardes à vues et des poursuites. Pour traiter cet afflux de dossiers, il est prévu que les juridictions – déjà saturées – multiplient les audiences de comparution immédiate, incarnation d’une justice d’abattage qui finit pour sept affaires sur dix, par un envoi à la case prison.
À l’heure où la France des banlieues se révolte, il est à craindre que les JO ne contribuent à aggraver encore la fracture sociale. Dans tous les cas, on est bien loin du but revendiqué par la charte olympique de « mettre le sport au service du développement harmonieux de l’humanité en vue de promouvoir une société pacifique, soucieuse de préserver la dignité humaine ».
Par Cécile Marcel