Avocat depuis 2010, Pierre Joxe parcourt les juridictions pour mineurs et s’insurge contre « la grande offensive politique » visant l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.
Illustrant son analyse politique d’exemples issus des prétoires, l’ancien ministre et membre du Conseil constitutionnel montre « comment notre pays parcourt (…) à l’envers le chemin des progrès accomplis en trois siècles – depuis le temps des Lumières – en matière de droit pénal ». Répondant à une « approche idéologique d’une rare violence », les textes qui se succèdent depuis dix ans « visent et atteignent effectivement d’abord les jeunes relégués, les jeunes des “quartiers” dits difficiles, jugés dangereux avant même d’être délinquants ». Se construit ainsi un « droit spécial pour les zones dites de non-droit » qui, contrairement aux apparences, n’est pas le même pour tous. Car « un jeune orphelin de père, paumé et plus ou moins abandonné par une pauvre mère qui n’en peut plus » aura bien des difficultés à faire valoir les « garanties d’insertion » requises pour échapper à des peines plancher « qui peuvent rendre la vie impossible et conduire à la mort civile ». Au contraire de certains pays qui, comme le Canada ou la Suède, mobilisent les spécialistes en sciences sociales avant de légiférer, en France, « c’est aujourd’hui l’obscurantisme qui triomphe. La réflexion est méprisée, l’expérience ignorée ». Si, comme l’écrit Pierre Joxe, « l’histoire du droit appliqué aux enfants est un bon guide pour explorer et éclairer l’histoire de nos sociétés », les historiens de demain dresseront un bien sombre tableau des années 2000.
Pierre Joxe, Pas de quartier ? Délinquance juvénile et justice des mineurs, Fayard, janvier 2012.