Dans la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis rénovée, « la culture du rapport de force » s’impose toujours. Tel est le constat du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui a rendu public, le 12 septembre 2013, le rapport de sa visite effectuée en janvier 2010.
En cause, le « gigantisme » de la maison d’arrêt – 2855 places et 3 600 détenus à la date de la visite (3 817 au 1er septembre 2013) – et l’organisation qui en découle. Au sein des cinq « tripales » de la maison d’arrêt des hommes (MAH), chaque surveillant, « souvent jeune dans le métier » se voit confier la responsabilité de « 80 à 90 détenus, ce qui fait obstacle à une prise en charge individualisée et renforce la propension à la culture du rapport de force ». Dans une telle configuration, « quelle que soit la bonne volonté des personnels », il n’est pas possible « de maintenir un minimum de relations susceptibles de remédier aux inévitables tensions ». Les contrôleurs constatent un « important déficit de dialogue, […], une ambiance de précipitation permanente, limitant les rapports au strict minimum, les personnels étant réduits à faire de la sécurité ». Ce dont ils s’acquittent parfois en assurant « des interventions “viriles” pouvant aller jusqu’à des coups », ou en ayant recours à « des méthodes “musclées” ». Des pratiques facilitées par un « encadrement […] souvent déficitaire », les surveillants réagissant « comme ils le peuvent » à des conditions de travail « très délicates […], souvent loin des personnes qui devraient les conduire et les encadrer ». Sur ces « actes professionnels inappropriés », la Chancellerie, dans sa réponse du 9 septembre 2013, se montre peu volontariste : ceux qui sont « portés à la connaissance de l’équipe de direction sont transmis au parquet d’Évry ». Aucune autre mesure n’est annoncée, les tensions et agressions étant imputées au « parti pris architectural » et à « une situation de surpopulation supérieure à 150 % ». Deux facteurs dont Jean-Marie Delarue souligne l’importance, mais qui n’ont justement pas été pris en compte dans le cadre du plan de rénovation de la prison : le « coûteux effort de rénovation » a été conduit « sans remise en cause de l’architecture » et avec un « nombre de détenus et [un] nombre de surveillants qui n’est en rien modifié ».
Si bien que les violences entre détenus en cour de promenade perdurent également : « des rixes se déclenchent régulièrement », note le Contrôleur, qui demande « la sécurisation du lieu afin de permettre à toute personne détenue de le fréquenter ». Une « procédure d’intervention » a été élaborée, suite au décès d’un détenu agressé durant la promenade en 2007. Mais elle « nécessite, dès l’incident signalé, de regrouper des agents […], de les équiper et les mettre en tenue, de les transporter sur les lieux de l’agression pour intervenir. Elle demande un délai de préparation d’au moins vingt minutes ».
Les travaux effectués ont néanmoins apporté « des améliorations réelles, […] notamment dans le domaine du sanitaire (eau chaude dans les cellules) et du réseau électrique (possibilité pour les détenus d’utiliser des plaques chauffantes et non plus seulement les traditionnels “totos”) ». Le constat par les contrôleurs de « l’état de misère » de certaines cellules de la maison d’arrêt des hommes en 2010 est devenu obsolète. Dans les autres quartiers (maison d’arrêt des femmes, centre des jeunes détenus), la rénovation doit se poursuivre jusqu’en 2018. Le Contrôleur pose cependant la question « de la capacité de l’administration à maintenir en état ce qu’elle a beaucoup amélioré ».
Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Rapport de visite de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis du 11 au 22 janvier 2010, publié le 12 septembre 2013