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Le boulet fiscal d’un sortant de prison

43 131 euros : c’est la somme réclamée à un sortant de prison par l’administration fiscale sur un revenu saisi lors de son arrestation. Lors de son interpellation pour trafic de stupéfiants, les services de police avaient saisi chez l’intéressé 60 700 euros en espèces et 305 grammes de résine de cannabis. Des biens tombés dans les caisses de l’État, mais néanmoins soumis à contributions. Au péril de sa réinsertion.

A sa sortie de prison le 19 décembre 2012, Farid B. se trouve dans une situation précaire: après un an et demi de détention, il n’a plus de ressources ni de logement stable. Et l’administration fiscale lui réclame 23 933 euros d’impôt sur le revenu ainsi que 15 277 euros au titre de la contribution sociale généralisée (CSG). Des taxes établies sur les espèces et la résine de cannabis saisies à son domicile lors de son interpellation. L’administration fiscale s’explique : « en application des dispositions du Code général des impôts, vous êtes présumé avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur de ces biens ». Alors qu’il est embauché dans une entreprise d’insertion et rémunéré au SMIC, cette dette astronomique fragilise son parcours de réinsertion, engagé dans le cadre d’une mesure de sursis avec mise à l’épreuve.

A sa demande, un échéancier lui a été accordé, avec des mensualités de 50 euros, mais uniquement pour l’impôt sur le revenu : l’administration persiste à exiger le règlement immédiat des 15 277 euros de CSG, somme dont il est dans l’incapacité de s’acquitter. En juillet, son salaire a été intégralement saisi pour un trop-perçu de RSA versé en 2012 lorsqu’il était emprisonné – une opération alourdie de 106 euros de frais bancaires pour « avis à tiers détenteur ». Sa dette ne cesse d’enfler, majorée à plusieurs reprises pour défaut de paiement : au total, il se voit réclamer 41 603 euros au 26 juillet 2013, 43 131 euros au 9 août… A cette date, l’administration consent enfin à échelonner le paiement de l’ensemble des sommes dues, sans pour autant revenir sur les majorations imposées.

Réinsertion en péril

Si Farid B. est «soucieux de régulariser ses dettes, il se retrouve aujourd’hui sans ressources tout en travaillant», déplore Nathalie Vallet, travailleur social de l’association Arapej. Elle ajoute qu’il ne peut plus assurer sa participation à l’hébergement proposé par l’association, ni « acheter son passe Navigo pour se rendre au travail ». Pour parfaire l’absurdité de la situation, le niveau de revenu porté sur son avis d’imposition lui interdit l’accès à toute prestation sociale.

A deux reprises, l’Arapej adresse un courrier aux ministres de la Justice et de l’Économie et des Finances. Le travailleur social leur indique que cette situation « met à mal l’insertion de Farid B. », qu’il semble « ubuesque » de payer l’impôt sur un revenu saisi et « issu d’un trafic » pour lequel il a été condamné. Elle ajoute que « le signal envoyé par l’administration fiscale » lui paraît « être à l’opposé des conclusions de la conférence de consensus sur la lutte contre la récidive » et de son travail d’accompagnement socio-éducatif, « où l’accent est mis sur la réinsertion afin d’éviter la récidive ». Des courriers restés à ce jour sans réponse.

Farid B. a engagé toute une série de démarches depuis sa sortie de prison, trouvant un emploi et réussissant à travailler en dépit de son absence de logement à certaines périodes. Il a lui-même contacté les services fiscaux pour mettre en place un échéancier et finalement trouvé l’aide d’une association pour son hébergement et son suivi social… Aujourd’hui, il affirme « ne pas en voir le bout » et se demande s’il va « réussir à s’en sortir ».

François Bès, coordinateur OIP Ile-de-France


Dans la loi

La troisième loi de finances rectificative pour 2009 a introduit dans le Code général des impôts une présomption de revenus pour les personnes se livrant à certains trafics délictueux et mis en place un dispositif de taxation forfaitaire. En clair, l’administration considère comme revenus imposables les sommes issues du trafic de stupéfiants ou d’armes, du faux-monnayage, etc. Même lorsqu’elles ont été saisies.